DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
Si je vous dis «
risque
», quels sont les trois
premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?
Multiplicité
,
Abondance
et
Nouveauté
.
Un dirigeant, quelle que soit la taille de son
entreprise, doit appréhender des risques
nombreux et d'origines très diverses : géopo-
litiques, sociaux, juridiques, industriels,
financiers mais aussi techniques, concurren-
tiels ou encore informatiques. Il faut avoir en
permanence une vision à 360° pour anticiper
ces risques et projeter l'entreprise vers le
futur. C'est très complexe. Par ailleurs, il y a
bien sûr des risques permanents, comme la
trésorerie, ou les risques liés aux investisse-
ments, mais certains risques sont nouveaux et
surviennent d'un moment à l'autre…
Quel est le principal risque de votre entre-
prise aujourd'hui ?
J'ai vraiment une perception multiple des
risques. Donner un risque unique serait trop
réducteur.
Comment peut-on identifier les risques
émergents ?
Nous sommes très à l'écoute et nous nous
tenons informés, auprès desmédias, mais aussi
des syndicats professionnels. J'appartiens
aussi à un réseau de chefs d'entreprise, au
sein duquel nous échangeons beaucoup. Il
faut tenter de juguler un nouveau risque dès
que l'on en entend parler. Par exemple, le
risque informatique car nous sommes de plus
en plus dépendants des systèmes d'informa-
tion. Emails, réseaux sociaux, échanges avec
les clients, commandes ou encore l'analytique
et la comptabilité sont aujourd'hui la colonne
vertébrale de l'entreprise : il faut la protéger.
On ne parle pas de James Bond, mais de risques
réels qui peuvent mettre l'entreprise à nu.
Nous avons récemment subi une tentative de
«fraude au président». Nous l'avons déjouée
mais l'un de nos clients l'a subie de plein fouet
et se trouve aujourd'hui en liquidation…
Quels étaient les risques principaux il y a...
25 ans ?
Pour une PME comme Revol, il s'agissait avant
tout de l'endettement et du financement des
investissements. L'accès à l'argent était plus
difficile, le coût était important et la capacité
d'endettement de l'entreprise était plus faible.
À l’époque, c'était mon père qui dirigeait l'en-
treprise, mais j'ai beaucoup entendu parler
des problèmes de financement et d'endette-
ment… Le second risque était celui des copies.
On accusait beaucoup l'Asie, la Chine en parti-
culier, mais en réalité la concurrence déloyale
émanait souvent de nos clients, importateurs
ou distributeurs ; ils connaissaient bien le
marché et savaient quels étaient les produits
les plus porteurs ! Aujourd'hui, ce risque existe
encore, mais nous sommes mieux protégés
juridiquement, et nous sommes prêts à atta-
quer très rapidement. Surtout, le consomma-
teur est aujourd'hui beaucoup mieux armé :
il recherche de la qualité et il est désormais
capable de faire la différence. On est loin de la
simple course au prix d'il y a vingt ans !
Quel sera le principal risque…dans 25 ans ?
Ce sera, plus encore qu'aujourd'hui, le défi
de l'innovation. Nous sommes actuellement
confrontés à une terrible accélération de la
création et de l'innovation, dans les secteurs
comme l'informatique et la téléphonie bien
sûr, mais aussi dans des domaines plus tradi-
tionnels comme le nôtre, les arts de la table.
Revol a toujours misé sur l'innovation mais,
aujourd'hui, même les entreprises qui nous
copiaient se mettent aussi à innover. Il faut
donc innover de plus en plus vite et de plus
en plus fort, au point d'en avoir presque le
vertige : jusqu'où faut-il aller ? Quels moyens
se donner pour innover ? Je ne pense pas que
cette course s'arrête de sitôt. Au contraire,
cela ne peut que s'accentuer à l'avenir, d'au-
tant qu'il y a une vraie demande de la part du
marché. Les générations futures devront donc
accélérer encore l'innovation, créer de vrais
Labs en interne, allouer des moyens impor-
tants, embaucher des compétences, etc. Cela
signifie prendre plus de risques, bien sûr,
mais cela dégage des opportunités…
Le risque en une phrase ?
«
Le risque est un mal nécessaire
». Pour un chef
d'entreprise, le premier risque est de ne pas
voir le risque. Mais, une fois qu'un risque a été
identifié, il ouvre des opportunités, il oblige
l'entreprise à voir les choses différemment, à
se transformer, à évoluer, etc. Sans le risque,
il n'y aurait pas eu tant d'évolutions dans les
entreprises. Les risques qu'on subit sont des
opportunités qui nous obligent à nous trans-
former. D'ailleurs en chinois, l'idéogramme qui
désigne lemot «risque» et aussi celui d'oppor-
tunité : les deux concepts sont identiques.
Olivier Passot,
PDG de Revol
❱
Arts de la table,
spécialiste de la porcelaine
à destination des professionnels
et des particuliers
❱
22 millions d'euros
de chiffre d'affaires
❱
240 salariés
OLIVIER PASSOT
PDG DE REVOL
« Le risque est un mal
nécessaire.»
© Philippe Barret
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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