DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
Comment est-il possibled'identifier et de traiter les risques émergents?
Malheureusement, je ne pense pas qu’on puisse encore identifier
des risques par une classique analyse probabiliste. Des événements
récents (comme le Brexit) montrent que les instruments de prévi-
sion deviennent de moins en moins fiables et les conséquences sont
lourdes pour les entreprises n’ayant pas anticipé ces événements.
L’approche que nous privilégions est plus
ex-ante
et consiste à mettre
en place des «
stress-tests
» systématiques sur diverses hypothèses, y
compris celles qui peuvent être considérées comme peu probables,
afin de renforcer la résilience de l’entreprise. Nous préparons en
conséquence toute une panoplie de réponses tactiques en fonc-
tion de la nature et de l’intensité du risque. C’est en ce sens que les
capacités de réallocation dynamique du capital et des ressources
deviennent critiques, et c’est la raison pour laquelle je mention-
nais l’agilité comme la réponse la plus sûre que l’entreprise puisse
opposer aux nouveaux risques.
Quels seront les principaux risques dans… 25 ans ?
Les équipes de recherchedeMcKinsey travaillent sur les grandes tendances
qui vont façonner le futur paysage économique mondial. Nous avons ainsi
identifié neuf macro-tendances et nous pouvons les articuler autour de
trois grandes catégories d’aléas. D'abord des risques stratégiques avec
notamment le polymorphisme du monde qui se polarise sous l’effet de
changements conséquents (vieillissement de la population, changement
climatique, dégradations des conditions de vie…) et qui constitue une
rupture par rapport aux vingt dernières années. L’émergence de nouvelles
zones d’influence comme la Chine, l’Inde ou l’Afrique portée par une
démographie dynamique et où le risque pays est plus élevé. Ou encore la
montée du «
Darknet
» et de la cybercriminalité. Ensuite les risques opéra-
tionnels, portés par la convergence des ruptures technologiques, par
une révolution des écosystèmes business mais aussi par les nouveaux
rapports entre l'entreprise et les consommateurs finaux. Enfin, il y
aura aussi de nouveaux risques réglementaires qui seront très large-
ment renforcés dans les années à venir et dont nous avons déjà beau-
coup discuté.
Il y a 25 ans… quels étaient les risques ?
Ils étaient avant tout financiers ou opérationnels - défaillance de
l'outil de production, avaries de machines ou accidents du travail.
Ces deux grandes catégories de risques prévalaient très largement
parmi les priorités des décideurs. Les risques de réputation ou socio-
politiques n'avaient pas la prégnance qu’ils ont aujourd'hui. Quant
au risque technologique, il n’était certes pas négligeable – on songe
par exemple à la disparition de l'argentique dans l’industrie de la
photographie ou à l’émergence du mobile dans la téléphonie – mais
il était plus isolé et les avancées, plus lentes, laissaient aux acteurs
des marges de manœuvre pour les gérer. Aujourd'hui les mutations
vont infiniment plus vite : les percées technologiques deviennent des
ruptures, et les évolutions ne sont plus linéaires ni prédictibles.
Le risque en une phrase ?
«
Les dangers de la vie sont infinis, et parmi eux se trouve la sécurité
».
Au-delà du trait d’esprit, cette formule de Goethe me semble pleine de
justesse s’agissant de la position du dirigeant face au risque. Le senti-
ment de sécurité, parce qu’il procède d’un espoir de contrôler le risque
aujourd’hui profondément illusoire, représente sans doute le plus grand
péril pour une entreprise. À mes yeux, deux qualités s’avèrent essen-
tielles pour gérer les nouvelles formes du risque : anticiper et douter.
Soit les deux réflexes que l’impression de sécurité tend à «
désactiver
» et
qu’il convient au contraire de cultiver avec méthode et rigueur.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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