DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
NILS BENETON
CEO DE SEA INVEST FRANCE
«Vivre ou mourir.»
Si je vous dis «
risque
», quels sont les trois premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?
Avant tout, je pense
Arrêt de l'activité
. Le secteur des opérations portuaires, dans lequel évo-
lue le groupe Sea Invest en France, est fragile et soumis à une concurrence farouche. Les ports
français sont dans une situation plutôt précaire, et nous avons perdu la visibilité à moyen ou
long terme. Il suffit d'une décision politique, d'une évolution du marché, d'une crise sociale,
d'une nouvelle norme environnementale, ou encore du revirement stratégique d'un client im-
portant, pour que les équilibres soient remis en cause et, avec eux, l'avenir de notre activité sur
un port. Un dirigeant doit à tout instant chercher à donner de la pérennité à son entreprise, à
ses activités, mais aujourd'hui personne n'a de visibilité à quinze ans, comme par le passé…
Le deuxième terme qui me vient est
Réglementation
. La gestion des risques, c'est aussi de la
paperasse imposée, des postes d’expertises QSE qui se sont multipliés… : autant de choses qui
m'empêchent de me concentrer sur mon métier qui est de produire, d'acheter, de vendre, de
développer, de créer…
Enfin, je pense aux
Peurs
que le risque génère souvent. Des peurs qui paralysent : beaucoup
de personnes manquent de courage car elles craignent de perdre leur travail en prenant une
mauvaise décision et choisissent soit l’immobilisme soit de se couvrir. Le risque devient alors
que personne ne veuille plus prendre de risques, ne veuille plus s'engager, et cela conduit à une
déresponsabilisation générale…
Quel est le principal risque de votre entreprise aujourd'hui ?
Au-delà du risque sur la continuité de l'activité, le premier risque des opérations portuaires
est l'accident corporel. Lorsqu'on travaille avec des grutiers et des dockers sur des cales à
40 mètres, on se doit de mettre en place des procédures, des formations et des outils pour qu'il
n'y ait pas d'accident. Il faut être très vigilant et, surtout, éviter de rentrer dans une routine
administrative. Les spécialistes QSE deviennent parfois les rois de la paperasse et vous ne savez
plus à la fin ce qu’ils font et à quoi cela sert. Ils passent leur temps en comités de ci ou ça, ils
planchent sur des règlements et des normes et construisent des usines à gaz administratives
mais travaillent finalement plus sur la forme que sur le fond. Il faut savoir prendre du recul et
réfléchir sans s'engluer dans les contraintes réglementaires...
Quels seront les principaux risques dans… 25 ans ?
Il est difficile de répondre car le risque dépend de l'environnement comme des forces en pré-
sence. Toutefois, on peut déceler des lignes directrices : à long terme, nous allons vers davan-
tage d'interconnexion et de technicité. Cela va nécessairement conduire à une évolution des
risques des entreprises. On peut redouter des difficultés dans la gestion de l'information mais
aussi une dépendance à la technologie, aux outils et aux prestataires spécialisés. Enfin, il est
certain que dans un monde où la population augmente et où tout deviendra plus rare, on peut
s'interroger à long terme sur l'accès aux ressources et à l'énergie.
Le risque en une phrase ?
«
Vivre ou mourir
». Prendre un risque revient à réaliser un arbitrage entre une opportunité et
une perte. Je pense à des cas très concrets où l'on se demande si l'on arrête ou si l'on conti-
nue… Aujourd'hui, il y a souvent plus à perdre qu'à gagner dans les choix qu'on fait, d'autant
que la prise de risque n'est pas toujours valorisée. Prendre des risques, c'est potentiellement
tout perdre, compte tenu par exemple du risque d'image qui pèse sur les entreprises, ou du
risque pénal, qui pèse sur les dirigeants. Toutefois, en tant que dirigeant, ne pas accepter le
risque revient à arrêter l'activité.
Nils Beneton,
CEO de Sea Invest France
❱
Manutention et opérateurs
de terminaux portuaires
en France
❱
200 millions d’euros
de chiffre d'affaires
❱
1 000 salariés
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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