DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
Si je vous dis «
risque
», quels sont les trois
premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?
Je dirais
360
,
Contrôle
et
Croissance
. 360
parce que ce qui caractérise l'évolution des
risques, c'est qu'ils se révèlent de plus en
plus diversifiés. Des risques, qui étaient
annexes jusqu'alors, ont pris une ampleur
considérable. Par exemple, le risque cyber
et le risque de réputation sont devenus
omniprésents. Tout comme le risque stra-
tégique qui, par le passé, n'était pas perçu
comme prioritaire du fait de son faible niveau
d'occurrence. Aujourd'hui, en revanche,
il est prégnant, on sait que n'importe quel
business model peut rapidement être mis à
mal. Deuxième mot : contrôle, car ce qui est
associé au risque, c'est la mise sous contrôle.
Sans négliger l’importance d’un bon équilibre
entre l’importance du risque et les moyens
que l'entreprise va consacrer à son contrôle.
Enfin, le mot croissance, car faire croître et
développer une entreprise passe toujours par
le fait d'accepter certains risques. Ce qui est
important c’est de les cerner, de les accepter
de manière choisie.
Quel est le principal risque de votre entre-
prise/des entreprises aujourd'hui ?
Le principal risque pour une entreprise comme
Wavestone est de compromettre la confidentia-
lité des données que nous confient nos clients.
Ne pas parfaitement protéger ces informa-
tions sensibles exposerait Wavestone à des
conséquences difficilement maîtrisables. Ne
serait-ce qu’en termes d’image et de réputa-
tion, qui sont devenues tellement essentielles
à l'heure de la fluidité totale de l'information.
Comment est-il possible d'identifier l'émer-
gence de nouveaux risques ?
Tâche complexe, et exercice permanent d'hu-
milité ! Nous le constatons au quotidien :
Wavestone étant une entreprise cotée, nous
tenons à jour chaque année une cartographie
de nos risques…qui se révèle quasi-immédiate-
mentincomplèteouentachéed'erreursd'appré-
ciation. Procéder à un peignage systématique,
en interrogeant l'ensemble des acteurs de
l'entreprise est un point de passage obligé pour
repérer les risques émergents. L'analyse rigou-
reuse des incidents est également un moyen
pertinent d’identifier les nouveaux risques.
Sans oublier d’étudier les incidents auxquels
les autres ont été confrontés, concurrents mais
également sociétés de tous secteurs. Dans une
entreprise de conseil comme Wavestone, nous
sommes bien placés pour observer ce qui se
passe dans des organisations de toutes tailles et
de tous secteurs. Cette veille externe est riche
d’enseignements.
Quels seront, selon vous, les principaux
risques auxquels les entreprises seront
confrontées dans 25 ans ?
25 ans, ce n’est plus de la prospective, c’est
de la science-fiction ! J’imagine que le risque
stratégique deviendra omniprésent. On peut
penser que les ruptures technologiques, l’ac-
célération de l’innovation vont soumettre les
entreprises à des exigences d’adaptation, de
transformation, de reconfiguration de plus
en plus fortes. Les menaces pesant sur leur
pérennité en seront d’autant plus grandes,
plus fréquentes. Même pour les entreprises
les plus établies, il sera difficile de réussir ces
mutations et de soutenir leur rythme. Outre le
risque stratégique, l'interdépendance entre
partenaires sans cesse plus nombreux devrait
devenir la norme. Les entreprises s'insére-
ront dans des chaînes de valeur complexes,
en amont comme en aval. Gérer les aléas de
leur écosystème deviendra un élément clé de
leur performance. Enfin, le contexte social de
l’entreprise sera probablement bien différent
de celui que nous connaissons aujourd’hui.
Les collaborateurs de l’entreprise seront sans
doute devenus pour partie des contributeurs,
non exclusifs, non permanents, représentant
un «marché des talents » extrêmement fluide.
Dans ces entreprises « éclatées », la maîtrise
du savoir-faire, la gestion des compétences
clés feront partie des enjeux majeurs.
Il y a 25 ans, quels étaient les risques
principaux ?
Le sujet du risque était moins central dans la
vie d'une entreprise. En 25 ans, la maturité
et la sensibilité se sont développées rapide-
ment sur le sujet. Si je me replonge dans les
années 1990, au début de l'aventure Solucom
[N.D.L.R. : cabinet qui a fusionné avec Kurt
Salmon pour devenir Wavestone], notre
risque principal était la dépendance client.
Le risque en une phrase ?
La limitation des risques est gage de pérennité,
mais la prise de risque est synonyme de crois-
sance. Le développement d'une entreprise
nécessite d'accepter certains risques, choisis
en conscience. Avec la sensibilité accrue aux
risques, je crains que s’insinue progressive-
ment l’idée que l’entreprise vertueuse est
celle qui limite ses risques. Une idée fausse
et dangereuse pour la croissance. Il ne faut
pas oublier la dimension positive du risque.
Lorsque Solucom et les activités européennes
de Kurt Salmon ont fusionné pour créer un
nouveau cabinet, quel risque pour les action-
naires de Solucom ! Mais si Wavestone tient ses
promesses, quel magnifique développement !
Pascal Imbert,
Président de Wavestone
(cabinet né de la combinaison
des équipes de Solucom et
de Kurt Salmon)
❱
Conseil
❱
2500 salariés
PASCAL IMBERT
PRÉSIDENT DE WAVESTONE (EX-SOLUCOM)
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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