Le risque politique, bien que connu des entreprises et des Risk Managers, nécessite, aujourd’hui
encore plus qu’hier, un important travail de veille permanent et prospectif. Explications avec
Gilbert Canaméras (AMRAE), Jean-David Levitte et Michel Dennery (FERMA).
CE QU’ILS EN DISENT, CE QU’ILS EN PENSENT :
RISQUE POLITIQUE
Gilbert Canaméras,
Président de l’AMRAE
L’AVIS DES EXPERTS :
Gilbert Canaméras
Président de l’AMRAE
Comment se caractérise le risque politique aujourd’hui ?
Le risque politique est à la fois externe à l’entreprise et
très imprévisible. Autrefois, il se singularisait surtout
par des risques de nationalisation et d’expropriation.
Aujourd’hui, il se caractérise davantage par des risques
de violences politiques et de dislocation des infrastruc-
tures économiques ou institutionnelles.
Les entreprises évoluent donc dans cette
double difficulté pour développer
leurs parts de marché. Et, ce qui est
certain, c’est qu’il y a davantage de
situations de risques politiques
aujourd’hui que, ne serait-ce que
l’an dernier, avec les événements
que l’on connait notamment en
Ukraine, en Russie ou au Moyen-
Orient. La situation s’est claire-
ment dégradée et la gestion de
ce risque est devenue très difficile
pour les entreprises à cause de
cette imprévisibilité totale.
Si les entreprises ont pris aujourd’hui la mesure de ce
risque mouvant, la question est maintenant de savoir
comment elles vont pouvoir se développer tout en
continuant à exporter dans des pays dits « émergents »
dont certains présentent des risques forts.
Quid de la pression fiscale ?
Lors de la crise de 2008, nous avons constaté que le risque
politique avait bougé et était plus prégnant dans les pays
développés. Durant cette période, nous avons assisté
à une débauche d’imagination fiscale pour tenter de
rééquilibrer les finances publiques, ce qui a provoqué une
instabilité fiscale et sociale très forte qui n’est pas encore
achevée et rend difficile le pilotage des entreprises.
En termes de Conformité également, les entreprises
peuvent être confrontées à de nombreux risques
lorsque, notamment, elles ne sont plus en mesure de
contrôler ce qu’il se passe dans une filiale ou sous-filiale
située dans un pays éloigné, et dans lequel les coutumes
locales ne sont pas forcément en adéquation avec les
pratiques de Conformité occidentales.
La réponse dumarché de l’assurance est-elle adaptée ?
Nous sommes face à un certain paradoxe. D’un côté,
le marché se caractérise par d’importantes capacités
– le marché du risque politique est d’ailleurs en déve-
loppement – de l’autre, le nombre de pays « off cover »
ne cesse d’augmenter car les situations politiques se
dégradent un peu partout. La troisième composante :
les assureurs publics, qui avaient initialement la main
sur la couverture de ce risque politique, sont eux aussi
en retrait.
La situation mériterait donc d’être clarifiée car d’im-
portantes capacités ne sont pas convenablement
allouées et ces risques ne sont pas suffisamment iden-
tifiés comme assurables.
De plus, l’assurance risque politique n’a pas beau-
coup évolué dans ses items de couvertures (nationa-
lisation, expropriation, abandon forcé, non-transfert
et violences politiques). Ces risques sont devenus
archaïques au regard des nouvelles situations actuelles.
Il n’y a pas encore de parfaite adéquation entre l’offre
et la demande.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°3 I
JANVIER 2015
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MÉTIER RISK MANAGER