DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
OLIVIER MILLET
CEO DE EURAZEO PME
Si je vous dis «
risque
», quels sont les trois premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?
Vie
, parce que vivre, c'est prendre des risques. Dans le cadre de l'entreprise, la vie est un par-
cours de transformation, qui implique également de prendre des risques.
Adaptation
, ensuite.
On ne peut éviter le risque, il faut s'y adapter. Enfin,
Collectif
parce qu'à plusieurs on affronte
mieux le risque, tant par la mutualisation que par la co-construction de solutions collectives.
Quel est le principal risque auquel les entreprises sont aujourd'hui confrontées ?
C'est la vitesse à laquelle les choses se transforment. Le monde bouge si vite actuellement
que l'on risque de ne pas bouger assez vite en réponse. Il faut réussir à être à la fois dans
un temps long, avoir un projet, une vision à dix ans, et dans un temps très très court, pour
résoudre les problèmes du quotidien. C'est complexe mais si je ne suis que dans le long terme,
je suis inadapté et, si je ne suis que dans le quotidien, je le suis aussi.
Comment peut-on identifier des risques émergents ?
C'est très simple : il faut être ouvert à 360 voire à 720 degrés ! Il faut réfléchir à des risques
plus éloignés que la créance client qui obère mon chiffre d'affaires. Les réflexions sur la res-
ponsabilité sociale, sociétale et environnementale (RSE) sont un des moyens de voir plus loin.
C'est l'un des fils rouges – même si ce n'est pas le seul – qu'il faut suivre pour s'intéresser
à des problématiques qui peuvent concerner l'entreprise moins directement ou instantané-
ment, mais qui vont à terme l'impacter à coup sûr.
Quel sera le principal risque à une échéance de... 25 ans ?
Que les entreprises ne soient plus humaines. Aujourd'hui, on essaie de mettre des automates
et de la compliance partout. Il ne faut pas oublier que le lien humain est essentiel pour ap-
porter la confiance. Je pense qu'il y a actuellement une désaffection de la Bourse parce que
ce ne sont plus des humains qui analysent et décident mais, de plus en plus, des automates
qui jouent les uns contre les autres. Alors que les états sont actuellement en faillite – tant en
termes financiers que dans leurs projets, l'entreprise peut prendre le relais en étant un lieu
de liens humains.
Il y a 25 ans... quels étaient les risques principaux ?
Le principal risque des entreprises était alors la baisse d'activité, le fléchissement du chiffre
d'affaires. Aujourd'hui, la hiérarchie des risques a beaucoup évolué et l'interaction entre les
sujets a explosé, avec des effets papillons majeurs. Le risque sur le chiffre d'affaires n'a pas
disparu, mais il y a désormais beaucoup d'autres enjeux.
Le risque en une phrase ?
Je n'ai pas de phrase toute faite pour résumer ma philosophie du risque. Au contraire, cer-
taines formules classiques me gênent beaucoup. Ainsi, «
tout ce qui ne nous tue pas nous rend
plus fort
» comporte une idée de souffrance nécessaire. Comme s'il fallait souffrir pour être
fort. Comme si on ne pouvait être fort sans avoir pris de coups. Or, je pense qu'il vaut mieux
être plus souple et esquiver les coups. Dans le même esprit, je suis aussi gêné par les formules
qui valorisent l'échec. La valorisation de l'échec est aujourd'hui à la mode, au point qu'un
prix du «
Plus bel échec
» a été créé. Mais l'enjeu n'est pas là et les réflexions sur l'échec
doivent conduire à s'interroger sur la réussite. Et, en réalité, cette dernière n'existe pas. La
vie est un chemin, il peut y avoir des balises le long de ce chemin, mais la réussite n'est pas
une fin. L'important est d'être vivant, de continuer à vivre et à prendre des risques.
Olivier Millet,
CEO de Eurazeo PME
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Capital investissement
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Chiffre d'affaires en 2015
= 653 millions d'euros
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Portefeuille valorisé 414 millions
d'euros
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Présent dans 100 pays
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6600 salariés
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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