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DOSSIER

L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO

ALEXANDRE DESROCHES

DIRECTEUR GÉNÉRAL DE DELTA PLUS GROUP

«Qui attend

les souliers d'un mort,

risque de marcher

longtemps nu-pieds !»

Si je vous dis «

risque

», quels sont les trois premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?

Tout d'abord

Opportunité

 : un risque n'est appréhendable, n'a de sens que s'il est adossé à une

opportunité. Il n'y a pas de risque absolu et, dans le domaine des affaires, le risque ne peut être

que relatif à une opportunité, les deux vont toujours ensemble. À un autre niveau, le risque consti-

tue clairement une opportunité pour Delta Plus, puisque nous fabriquons des équipements de sé-

curité. Ensuite,

Quantification

: c'est le corollaire naturel, il faut quantifier le risque pour savoir si

cela vaut le coût au regard de l'opportunité. Enfin la troisième dimension est la

Normalité

: il y a

du risque partout, au quotidien, dans notre vie. C'est d'ailleurs l'un des problèmes de notre socié-

té, au-delà du monde des affaires, que de vouloir évacuer tout risque, y compris celui de la mort,

notamment à travers le principe de précaution. Cela n'a pas de sens : c'est une aberration que de

faire croire aux gens que l'on peut mener une existence sans risque. En tant qu'êtres vivants, nous

portons nécessairement un risque : nous baignons dans le risque, nous respirons dans du risque,

c’est tant mieux car on s'ennuierait ferme sans variabilité et sans risques !

Quels sont les principaux risques des entreprises aujourd'hui ?

L'un des risques les plus importants est celui de la désagrégation sociale : de la perte de cohé-

sion au sein des entreprises. Pendant les trente glorieuses, nous avons été très «

systémiques

» :

considérant que l'intelligence était dans le process plus que dans l'homme, on a mis en place

des process, des indicateurs de performance, et des managements «

à la McDo

»… Aujourd'hui,

on revient dans un monde où les sentiments ont leur place. La société française est complè-

tement désenchantée et on se rend compte que le bien-être matériel ne suffit pas. Il faut re-

donner un sens à l'entreprise, au risque de la voir s'effondrer de l'intérieur. C'est un risque

insidieux, pernicieux, rampant et les dirigeants doivent se battre, au quotidien, pour redonner

du sens au travail des collaborateurs et maintenir le lien social car la perte de ce lien signifie la

fin de la vie de l'entreprise. C'est une tâche difficile : il faut donner de sa personne, faire montre

d'énergie, y croire et le vivre !

Il y a aussi un risque important d'ubérisation, c’est-à-dire de rupture du business model de

l'entreprise, avec l'installation rapide de nouveaux concurrents. Même si le législateur essaie

de freiner les évolutions, c'est inéluctable : nous vivons un tsunami plus fort que l'invention

du moteur à vapeur lors de la première révolution industrielle, sans que personne ne sache où

cela peut nous mener. Nous vivons une époque fabuleuse, mais nous avons toutes les raisons

d'avoir peur si l'on ne parvient pas à prendre les choses en main…

Le dernier risque majeur est celui du départ des talents. Il y a aujourd'hui un problème d'adé-

quation entre le marché du travail et les besoins des entreprises, qui veulent du savoir-faire,

du savoir-être et du faire-savoir. De fait, les jeunes talentueux et motivés quittent actuelle-

ment les entreprises pour devenir… entrepreneurs. L'enjeu est aujourd'hui de parvenir à leur

donner un cadre de travail intrapreneurial.

Quel est le principal risque de votre entreprise à moyen terme ?

Comme toutes les entreprises familiales, Delta Plus doit réussir sa transmission à la génération

suivante. Il faut mettre en place une gouvernance particulière pour maintenir la cohésion des

actionnaires. Quand la gouvernance n'est pas assez forte, il y un risque de disputes familiales,

voire de batailles entre actionnaires car il y a beaucoup de passions, d'

intuitu personae

et d'af-

fect dans ces entreprises. C'est le grand risque des entreprises familiales…

Le risque en une phrase ?

Je vais choisir une phrase de Shakespeare : «

Qui attend les souliers d'un mort, risque de marcher

longtemps nu-pieds !

». Dans le passé, on pouvait se donner le temps de la réflexion. Aujourd'hui,

on n'a plus les moyens d'attendre que la situation se présente au mieux : il faut prendre des

risques et créer de la valeur ici et maintenant, sans attendre «

quand…

» et «

si…

».

Alexandre Desroches,

Directeur Général de Delta Plus

Conception et fabrication

d'équipements de protection

individuelle

Près de 200 millions d'euros

de chiffre d'affaires

Présent dans 90 pays avec

24 filiales à l'étranger

Coté sur EuroNext depuis 1999

2 500 salariés

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

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DÉCEMBRE 2016

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