DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
systèmes de veille. Notre problématique, à la CCR, qui est également celle
des assureurs, c'est d'identifier ce qui est assurable et ce qui ne l'est pas.
Ce que nous observons, c'est qu'on nous demande d'assurer des choses
qui n'étaient pas assurées auparavant. Automobile, incendie, cela existe
depuis des lustres. Les laboratoires pharmaceutiques qui s'assurent et se
font réassurer, c'est plus récent. Tout comme les risques de réputation, de
cyberattaques, de terrorisme, de conflit et de guerre, événements
world
wide
inhérents à des actes de malveillance dont l'origine est mal définie,
comme le sont le dommage subi et le régime de protection. Notre mission,
c'est aussi de constater ces évolutions. Là se pose le problème de l'assura-
bilité et de l'indemnisation.
Quels seront, selon vous, les principaux risques auxquels les entre-
prises seront confrontées dans 25 ans ?
Il me semble que les principaux risques auxquels les entreprises seront
confrontées ces prochaines années sont les cyberattaques et l'atteinte
à la sécurité des systèmes d'information (SI). A l'heure du big data,
la protection de l'information est essentielle. Aujourd'hui, pour une
entreprise sidérurgique, la protection du SI est devenue plus impor-
tante que la bonne marche des hauts fourneaux. Dans les 25 années à
venir, cela va s'amplifier. L'organisation du SI, sa protection, l'accès aux
données, vont nécessiter une attention croissante de la part des entre-
prises. Autre risque qui va croissant, celui de la responsabilité civile :
ce que l'entreprise fait, le produit qu'elle vend, va être décortiqué par
l'acheteur. Cela concerne les laboratoires pharmaceutiques, la grande
distribution, l'agroalimentaire, les producteurs… Tous les mouvements
de consommateurs prônent désormais la transparence et la traçabi-
lité. On l'a vu avec le scandale Spanghero et la présence de viande de
cheval dans des lasagnes, la crise de la vache folle… L'entreprise va
devoir protéger ses données, les informations qu'elle détient (comme
sa propre connaissance de ses marchés), et sa production, c'est-à-dire
ses consommateurs, sa responsabilité civile. La chaîne va être de plus en
plus transparente.
Il y a 25 ans, quels étaient les risques principaux ?
J'ai l'impression que les grands risques étaient l'IARD, le logement,
l'habitation, le dommage corporel, le dommage physique aux installa-
tions. Il y a eu une accélération phénoménale en 25 ans dont on ne se
rend pas vraiment compte. À l’époque, je dirigeais une entreprise indus-
trielle, ce que nous craignions le plus, c'était les accidents de voitures,
les accidents du travail, l'arrêt des hauts fourneaux, la démolition, les
incendies, les vols dans les bureaux, l'espionnage industriel…
Le risque en une phrase ?
«
Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque
», de René Char.
« Impose ta chance,
serre ton bonheur et
va vers ton risque.»
René Char
LA CARTOGRAPHIE DES RISQUES :
À UTILISER À BON ESCIENT
En matière de cartographie des risques, il me semble que l'on
pousse parfois la démarche à l'extrême. Y figure par exemple
le risque d'affaiblissement par rapport à la concurrence. On
finit par appeler un risque un mauvais résultat. Il ne faut pas
exagérer ! Quand on parle de risque, quand on est dans un
contexte assurantiel, il faut se concentrer sur les vrais risques.
Risques de résultats, risque de perte de compétitivité, risque
de concurrence ne sont pas des risques, c'est le lot commun de
tout entrepreneur qui a vocation à prendre ce type de risque.
L'entreprise encourt toujours un risque d'obsolescence de ses
produits, un risque de mauvais investissements…Lorsque j'étais
chez Moulinex, il m'a fallu gérer des investissements qui avaient
été effectués avant mon arrivée dans des produits électriques
très exposés à la concurrence chinoise alors que SEB avait limité
son engagement et mis son risque plus tôt dans des ustensiles
de cuisine comme la poêle Tefal. Si on parle de cartographie,
on doit se poser la question : est-ce que mon portefeuille de
produits constitue un risque ? Mais là, on n'en finit plus. Si on
se concentre sur ce qu'est le monde assurantiel, les principaux
risques sont le risque de souscription et le risque de placements.
Je pense qu'il y a un problème d'organisation et un problème
de définition. Il ne faut pas caricaturer. On voit trop de carto-
graphies où figurent des risques qui n'en sont pas, ces sujets
relèvent de la vocation de l'entreprise. Risque d'affaiblissement
ou de perte de marges, il me semble que cela n'a pas à figurer
dans la cartographie des risques. Cela est lié aux problèmes d'or-
ganisation. Dans une entreprise, il faut bien distinguer ceux qui
sont les Risk Managers et qui ont vocation à identifier les risques
matériels, immatériels, et donc à faire de leur entreprise une
organisation sécurisée, sûre. Cela suppose des process, de l'ana-
lyse de données, de l'évaluation. C'est un métier. Par ailleurs, il
y a tout ce qui fait la vie d'une entreprise, où il y a toujours un
risque. Il y a toujours un risque de perte de marges, un risque
qu'un compétiteur ou qu'un low cost arrive… Quand on est à
la tête d'une entreprise aérienne, ce n'est pas au Risk Manager
d'expliquer qu'il y a un risque d'apparition de concurrents low
cost. Ce n'est pas le rôle du RM. Lui doit intervenir sur les process
relatifs aux avions, aux réservations. Il doit cartographier des
risques techniques… Mais les risques stratégiques sont de
l'ordre de la direction générale, c'est le job du président.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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