DOSSIER
L'APPROCHE DU RISQUE DE 25 CEO
Si je vous dis «
risque
», quels sont les premiers mots qui vous viennent à l'esprit ?
Inhérent
.
Le risque fait partie intégrante d'une biotech comme DBV Technologies. Le risque est
consubstantiel à la fondation comme à l'existence d'une biotech. Il y a tout d'abord le risque
de l'innovation : la biotech apporte une solution, qui n’a pas encore été testée et qui s'op-
pose aux solutions précédentes, qui elles, sont largement éprouvées. Mais on ne peut apporter
quelque chose de nouveau sans courir un risque, évidemment : le mouvement crée le risque. En
outre, sur un tout autre plan, DBV Technologie vit du risque et n'a de raison d'être que par le
risque, puisque nous développons un traitement contre l'allergie à l'arachide, un risque sani-
taire important aujourd'hui mais qui n'était pas ressenti par la population il y a 20 ans !
Maximal
.
Nous n'avons pas le droit à l'erreur : une société bien implantée peut exploser en
vol parce que ses produits ont perdu leur pertinence, mais elle a le droit de rater une étude
car elle peut s'appuyer sur d'autres produits. Dans une biotech comme la nôtre, ce n'est pas
le cas. Le risque est à tous les niveaux : copie de ses brevets, incapacité de mener à bien ses
développements cliniques ou industriels, que le produit ne soit pas parfaitement standar-
disé, ce qui conduirait au rejet de notre homologation, sans oublier les risques financiers, ou
encore les risques liés à l'humain, car nous sommes passés de 18 salariés en 2012, à bientôt
250, c'est une mue très violente…
Il y a 25 ans, quels étaient les risques principaux ?
La notion de risque est très évolutive. Il y a 25 ans, pour le pédiatre que j'étais, le risque
principal était la mort subite du nourrisson. C'était un problème terrible. Nous avons été
confrontés à une véritable épidémie, qui a duré près de 20 ans et j'ai rencontré beaucoup de
jeunes parents qui avaient perdu leur enfant… Heureusement, la connaissance scientifique
et l'ensemble des études qui ont été menées font qu'aujourd'hui ce problème n'existe plus
qu'à la marge : le risque a été divisé par 100 depuis que l'on couche les enfants sur le dos.
Les allergies alimentaires constituent aujourd'hui, pour les parents qui y sont confrontés,
une menace comparable. Les sociétés comme la nôtre se forment par rapport aux risques
émergents dans la population. Cela préfigure probablement ce que seront les sociétés dans
20 ans : il sera impossible de penser développer un produit pour attaquer un marché mature,
c'est là une conception ancienne du business et de l'économie ! Les entreprises devront créer
non seulement de nouveaux produits, mais aussi le marché de ces produits, avec une très
grande capacité de réaction et d'innovation.
Le risque en une phrase ?
Le risque est un mot-valise et tout dépend du point de vue où l'on se place. Le risque est
la justification même de DBV Technologies : nous sommes là à cause du risque d'allergie et
nous existons parce que notre modèle économique nous permet de gérer le risque inhérent
au développement d'une nouvelle forme thérapeutique d'une façon plus légère, plus adaptée
et plus pragmatique que des sociétés établies, souvent «
adverses
» au risque. Nous avons
récemment recruté notre directeur médical et l'un des candidats, issu d'une grande société
pharmaceutique, imaginait son futur rôle comme étant de «
minimiser notre risque d'échec
»…
Nous ne l'avons pas embauché car, pour nous, son rôle devait être de «
maximiser nos chances
de succès
». La différence est majeure : une biotech doit intégrer le risque dès l'origine, il fait
partie de son ADN. En revanche, elle doit savoir tirer le maximum de ses succès.
PIERRE-HENRI BENHAMOU
PRÉSIDENT FONDATEUR DE DBV TECHNOLOGIES
«Maximiser
les chances de succès.»
Pierre-Henri Benhamou,
Président fondateur
de DBV Technologies
❱
Biotech fondée en 2002
❱
Spécialisée dans le traitement
des allergies alimentaires
par «
patch
»
❱
Côtée sur Euronext et au Nasdaq
❱
250 salariés à fin 2016
© Patrick Lazic
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°11 I
DÉCEMBRE 2016
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