«
Pendant un certain temps, le Brexit devra être appréhendé comme un risque
de plus à évaluer et à suivre. Le Risk Manager va jouer son rôle habituel en
animant ou participant à l’analyse des risques en amont pour les projets de la
société (nouvelle activité, nouveau contrat, M&A…), et en ajustant si néces-
saire le dispositif assurantiel en place pour tenir compte de ce nouveau contexte. Il
va devoir travailler encore plus étroitement avec la direction générale afin de mettre
en place les mesures adaptées assez tôt et de limiter les possibles effets négatifs pour
l’entreprise
», estime François Beaume, Administrateur de l’AMRAE.
Un avis que partage Guy-Antoine de la Rochefoucauld, Directeur général de Lloyd’s
France, pour qui «
le Brexit ne devrait pas constituer une difficulté particulière pour
les professionnels du risque. Tous les Risk Managers européens ont l’habitude de
gérer les enjeux de réglementations transfrontalières, d’échanges commerciaux, de
risques crédits…
» Et de compléter : «
certes, le Brexit constitue un bouleversement de
taille sur l’échiquier géopolitique et économique européen, mais il y a dans le monde
des échiquiers bien plus difficiles à gérer pour les Risk Managers que celui-ci
». Chez
Allianz, le risque de victoire du
yes
au référendum a été pensé dès le mois de janvier.
«
Le Brexit est un bel exemple de la façon dont un Risk Manager doit appréhender les
risques, mais aussi les opportunités. À partir du moment où la date du vote a été
connue, j’espère que chaque Risk Manager a anticipé les impacts directs, mais aussi
collatéraux, en se posant la question de ce qui pourrait se passer après le 23 juin
»,
avance Peter Etzenbach, membre du comité exécutif d’Allianz France, en charge
de la finance. Avant d’ajouter : «
Allianz France n’a pas d’entité au Royaume-Uni,
pas de clients, ni d’immobilier et donc pas d’exposition directe. Néanmoins, en tant
qu’investisseur (100 milliards d'euros d’actifs sous gestion), nous avons pris en
compte très sérieusement la possibilité d’une réaction violente, voire d’un choc sur les
marchés financiers à la suite d’une victoire du Brexit, en renforçant notre protection
contre la volatilité
».
LE RÔLE CENTRAL DU RISK MANAGER
DANS LE CONTEXTE DU BREXIT
Loin de considérer le Brexit comme un tsunami, les Risk Managers l’intègrent comme un élément
complémentaire à prendre en compte dans leur grille d’analyse sur les années à venir. Plus que
jamais, ils se retrouvent au centre des anticipations et de l’écriture des différents scénarios
possibles, aux côtés de leur direction générale.
LE GROUPE IPSEN PHARMA FACE AU BREXIT
Anne Piot d’Abzac, VP Chief Risk Officer d’Ipsen Pharma, Vice-présidente Formation de l’AMRAE
«
Le Groupe Ipsen est présent au Royaume-Uni depuis plusieurs décennies et y emploie plus de 450 collaborateurs. Il y dispose
d’un centre important de R&D ainsi que d’une unité de développement et de production. Cette présence relève d’un choix straté-
gique de long terme que le Brexit ne remet nullement en cause. Il convient néanmoins d’en anticiper les éventuels impacts.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à plusieurs incertitudes, notamment de nature réglementaire. Par exemple, l’Agence
Européenne du Médicament (EMA), chargée d’autoriser la mise sur le marché des nouveaux médicaments, actuellement
basée à Londres, va devoir déménager. Plusieurs pays ont déjà fait acte de candidature. Quelles vont en être les consé-
quences ? Par ailleurs, la réglementation locale va-t-elle évoluer, et dans l’affirmative, de quelle manière ?
C’est pour tenter de répondre à ces questions que nous avons décidé de créer au sein d'Ipsen, comme dans la plupart
des entreprises d’envergure, un groupe de travail dédié, composé de représentants des directions juridique, straté-
gique, réglementaire, financière, RH et du Risk Management. Ce groupe est chargé, en coordination avec l’EFPIA
(Fédération Européenne des Industries et Associations Pharmaceutiques), d’anticiper les éventuels changements
générés par le Brexit et leurs impacts potentiels sur nos plans internes. C’est une approche par les risques et les
opportunités qui, pour combler les incertitudes actuelles, nous amène à raisonner par scénarios.
»
UNE CHRONOLOGIE ENCORE INCERTAINE
Le processus de sortie de l’UE commencera après
l’invocation de l’article 50 du traité de Lisbonne par
le gouvernement britannique, qui devrait avoir lieu
courant 2017. À partir de là, s'ouvrira alors une période
de deux ans durant laquelle les différents aspects de
la séparation entre le Royaume-Uni et l'Union euro-
péenne seront négociés. Si le calendrier est respecté,
un tel schéma suppose que la sortie effective aurait
lieu courant 2019. Au 1er septembre 2016, les équipes
de négociation au niveau britannique et européen
sont d’ores et déjà constituées. Le chef de file des
négociations pour l’Europe est Michel Barnier.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°10 I
SEPTEMBRE 2016
27
DOSSIER
BREXIT