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dans le cas finalement assez fréquent où des refacturations ont lieu

entre le siège central et une filiale située au Royaume-Uni : quelle sera

alors la fiscalité en vigueur ? «

En parallèle, les entreprises auront à gérer

les problèmes juridiques soulevés par le Brexit en matière de gestion des

données et de systèmes d’information. Imaginons un centre de services

partagés dédié aux Ressources humaines, qui agirait depuis Londres pour

le compte d’une multinationale européenne : les données sensibles qui

transitent quotidiennement par ce centre (comme la paie de tous les sala-

riés du groupe) sortiront alors d’ici un peu plus de deux ans du territoire de

l’Union européenne…On comprend à partir de cet exemple tous les enjeux

juridiques soulevés par le Brexit, pour lesquels nous n’avons pas encore de

réponse

», alerte François Beaume. De la même façon, on peut légitime-

ment se demander ce qu’il adviendra des programmes scientifiques qui

bénéficiaient de crédits de recherche européens sur le sol britannique.

Même si l’on peut supposer que les programmes en cours et les fonds

déjà alloués bénéficieront d’un moratoire, il en ira autrement de tous

les nouveaux programmes de recherche à venir, qui devront soit trouver

un financement local, soit rapatrier leurs chercheurs sur le continent.

DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS ?

Au-delà des risques et des incertitudes, le Brexit comporte aussi, de

par son côté exceptionnel, des opportunités à saisir. Dans le scénario

le plus optimiste du Brexit, la place de Londres pourrait conforter son

image de paradis fiscal, attirant d’avantage encore les entreprises euro-

péennes et françaises à l’installation, mais également les jeunes talents,

séduits par des salaires plus confortables qu’en France. Là encore, tout

dépendra des conditions qui seront négociées car l’installation de

travailleurs étrangers pourrait aussi se trouver freinée par le gouver-

nement britannique (quotas, permis de travail…). D’autant que cet

état d’esprit a fortement pesé lors du vote en faveur du Brexit… Sur le

plan financier, le Brexit constitue une réelle opportunité, notamment

pour la France, l’Allemagne ou le Luxembourg, qui pourraient devenir

les nouvelles places fortes de l’Europe. «

Cela fait partie du rôle de l’UE

de favoriser cet essor

», estime Peter Etzenbach. Et François Beaume de

conclure : «

Une chose est certaine : s’il est encore trop tôt pour en mesurer

les conséquences futures, le Brexit est un sujet à suivre de près !

».

QUEL IMPACT SUR LA PROPRIÉTÉ

INTELLECTUELLE AU SEIN DE L’UE ?

François Herpe, Avocat associé au sein

du cabinet Cornet Vincent Ségurel

CE QUI NE CHANGERA PAS

Le Brexit n'aura aucune conséquence sur le

régime des titres nationaux, qu'il s'agisse

de titres de brevets, de marques ou de des-

sins et modèles, car ils relèvent des lois nationales. Concernant les

brevets européens délivrés par l'Office Européen des Brevets (OEB),

ils ne seront pas non plus affectés dans la mesure où l'OEB n'est

pas une institution de l'Union européenne. L'OEB continuera donc

à délivrer des brevets européens désignant le Royaume-Uni.

CE QUI VA CHANGER

Le premier gros changement concerne le fameux Brevet à effet

unitaire, dont l’entrée en vigueur était prévue pour 2017. Sa mise

en œuvre sera vraisemblablement reportée, puisqu’elle nécessitait

la ratification par 13 états au moins, dont le Royaume-Uni, qui ne

pourra donc plus en bénéficier. En outre, Londres va perdre, au pro-

fit de l'Italie, sa division centrale du Tribunal de première instance

de la Juridiction unifiée des brevets. Cela constitue une perte éco-

nomique et d'influence certaine pour les avocats et conseils en pro-

priété industrielle anglais, qui pourrait bénéficier aux Français et

aux Allemands. La seconde conséquence importante est relative aux

marques, dessins et modèles européens, car à compter de la sortie

du Royaume-Uni de l'Union européenne, les nouveaux titres dépo-

sés ne porteront plus effet au Royaume-Uni. Pour les titres déjà dé-

posés ou enregistrés, le Brexit crée une incertitude importante sur

leur sort. Par sécurité et pour éviter tous risques, certains titulaires

de droits vont sans doute préférer redéposer des titres britanniques

sans attendre (mais cela engendra des coûts non désirés).

«Le Brexit va dynamiser la place

de Paris, dotée d’une vraie culture

financière, de grandes banques et

d’experts formés dans de bonnes

écoles. »

Peter Etzenbach, Allianz France

CATHERINE VERET-JOST : «BREXIT OR NOT BREXIT ?»

Historiquement, la Grande-Bretagne a développé des théo-

ries économiques basées sur la création de richesse

par le commerce extérieur, adaptée à la situation

intrinsèque du pays : insulaire, puissance mari-

time, régie par un droit coutumier… Avec le Brexit,

elle s’est elle-même divisée : les financiers et les

jeunes n’y sont pas favorables, confiants dans les

opportunités offertes par l’Europe, tandis que les

classes moyennes, les anciens et les extrémistes

y voient une solution protectionniste aux

problèmes économiques de l’Angle-

terre…

La Grande-Bretagne s’est réveillée groggy de cette issue qu’elle n’avait

pas totalement anticipée. Quelle va donc être son attitude dans les

négociations de sortie ? Jamais elle n’abandonnera le développement

de son commerce extérieur ! Et elle tentera de maintenir la suprématie

financière que la City a su conserver au fil des siècles grâce à ses inno-

vations financières. Le risque majeur de ce Brexit serait de glisser,

par le biais de négociations purement économiques ou financières,

vers une conception anglo-saxonne de l’Europe, plus mercantile que

solidaire, avec un Royaume-Uni qui resterait arrimé économique-

ment à l’Europe, ce qui ne serait finalement pas un Brexit complet…

Dans ce contexte, le Risk Manager a un rôle majeur à jouer au sein des

entreprises, mais aussi des organisations privées et publiques, afin

de développer les différents scénarios et d’en tirer les solutions qui

transformeront les risques en opportunités.

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°10 I

SEPTEMBRE 2016

26

DOSSIER

BREXIT