Quelles sont les attentes des investisseurs et
analystes en matière de communication sur les
risques ?
Si une entreprise ne prend pas de risques, elle
prend un risque considérable sur son avenir...
Le risque d’entreprendre est un risque sain pour
une entreprise, à la condition bien sûr qu’il soit
correctement géré. La communication sur les
risques est donc un élément incontournable et
essentiel. Ceux qui lisent la documentation des
entreprises souhaitent, tout d’abord, savoir si
ses risques sont correctement appréhendés. Il y
a donc une logique d’inventaire dans la présen-
tation des risques. Il faut ensuite être pertinent
et bien faire le lien entre l’activité de l’entreprise
et ses risques : la cartographique des risques doit
être cohérente tant avec l’activité qu’avec l’envi-
ronnement et la communication sur les risques
doit s’en ressentir. Par exemple, si l’entreprise
souhaite se développer sur un nouveau marché, il
faudra montrer que les risques y sont bien appré-
hendés. Pas la peine, en revanche, de s’étendre
sur des risques qui ne sont pas importants pour la
structure ou son activité. Le second domaine sur
lequel l’entreprise doit ensuite communiquer est
la gestion de son risque. Il faut montrer comment
chaque risque identifié est traité ou couvert,
à travers une analyse de son impact potentiel,
leurs éventuelles couvertures... Avec une certaine
logique de hiérarchisation.
L’entreprise doit-elle – et peut-elle - tout dire sur
ses risques ?
Je ne le pense pas ou autrement dit si elle s’engage
sur cette voie, elle devra bien en appréhender les
conséquences. Ceque l’entreprisedit sur ses risques
doit être soumis à un juste dosage. En effet, dès
lors que l’information est communiquée, elle
doit être la plus précise possible, sans exacerber
ni sous-pondérer les risques qui sont présentés.
C’est un sujet majeur qui fait l’objet de nombreux
débats dans nos groupes de travail : il faut se
méfier de l’écart qui peut exister entre l’appré-
ciation interne d’un risque et la structuration
des mesures prises en termes de contrôle interne
et la restitution des informations dans les docu-
ments de l’entreprise portés à la connaissance
du public. Chaque mot peut avoir un impact et il
faut être extrêmement vigilant dans leur choix.
Tout d’abord, une information brute, sortie de son
contexte, peut nuire à l’entreprise et avoir un effet
procyclique sur le risque lui-même, au lieu de le
tempérer. Par ailleurs, il est clair que l’intelligence
économique s’appuie notamment sur les documents
publiés par l’entreprise. Les observateurs extérieurs
n’ont pas la connaissance de l’entreprise, de son
background ou de son environnement. Leur ressenti
face à la communication de l’entreprise peut donc
être extrêmement impactant voire inadapté, entraî-
nant des conséquences sur l’image de la société, son
cours de bourse si elle est cotée.
Il faut donc bien doser l’espace de jugement
qui existe entre l’identification du risque et son
impact... au risque d’exacerber une spirale de
risques. Dans son analyse des risques, une entre-
prise est bien évidemment amenée à envisager
des choses qui pourraient, éventuellement se
produire. Elle dit en quelque sorte ‘on a peut-
être identifié quelque chose qui pourrait peut-
être se traduire par...’ et, en interne, dans
une analyse prospective, elle peut choisir de
sur-pondérer certains risques pour asseoir
un plan d’action. Il est évident que l’analyse
extérieure d’un tel risque pourrait alors être
délicate voire dangereuse : un risque auquel
l’entreprise accorde un grand poids ne remet
pas nécessairement en cause sa structure patri-
moniale. Heureusement, certains observateurs,
extérieurs, comme par exemple les commissaires
aux comptes, peuvent aider l’entreprise à prendre
de la hauteur et à tempérer son jugement.
Thierry Luthi,
précédent Président, DFCG
«L’entreprise
doit communiquer
sur la gestion
de son risque et
montrer comment
chaque risque
identifié est traité
ou couvert.»
« Il faut bien doser l’espace de jugement
qui existe entre l’identification du risque
et son impact... »
… UN DAF THIERRY LUTHI, DFCG
Le précédent Président de l’association nationale des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion
(DFCG) juge qu’il faut être attentif à l’écart qui peut exister entre l’appréciation interne d’un risque
et sa restitution.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°3 I
JANVIER 2015
25
DOSSIER
COMMUNICATION SUR LES RISQUES