Les PME et les entreprises non cotées ont égale-
ment du mal à communiquer sur leurs risques,
notamment auprès de leurs administrateurs
indépendants. Le président d'APIA* Île de France
nous expose les progrès qu'il estime nécessaires.
En tant qu’administrateur indépendant, quelle
information sur les risques attendez-vous ?
Les administrateurs indépendants sont respon-
sables vis-à-vis des actionnaires des entreprises
dans lesquelles ils interviennent. L’analyse et la
maîtrise des risques sont le cœur de notre rôle.
Nous sommes donc très vigilants sur les risques
encourus par l’entreprise, en particulier à chaque
prise de décision.
Au premier niveau, il est essentiel pour nous que
les données financières soient fiables. Il faut
donc nous assurer que le contrôle de l’entreprise
permet un niveau de fiabilité suffisant sur les
chiffres communiqués. Ensuite, nous nous assu-
rons que les risques majeurs de l’entreprise ont
été identifiés, en fonction de son activité ou de
son secteur. En matière de risque opérationnel, les
administrateurs indépendants vont par exemple
s’assurer que la prévention des risques couvre
aussi les domaines managériaux : il faut que les
dirigeants aient bien prévu un plan de succession,
y compris en cas de disparition brutale, pour ne
pas laisser l’entreprise à l’abandon. Nous nous
assurons aussi que le risque de compliance est
bien contrôlé, par exemple pour les lois concer-
nant les employés et même les visiteurs. Nous
avons là un rôle de questionnement et de mise
sous pression du management pour nous assurer
qu’il respecte, par exemple, le Droit du travail.
Sous quelle forme les informations vous sont-
elles transmises ?
En dehors des informations financières, les infor-
mations sur les risques nous sont notamment
transmises à travers le « document unique » (ou
DUER document unique d’évaluation des risques).
Nous sommes attentifs à la cohérence entre ce
document et la cartographie des risques qui nous
est également présentée. L’objectif est de véri-
fier que les mesures nécessaires à la gestion des
risques ont bien été prises...
Si les documents qui nous sont fournis ne sont
pas toujours complets, nous avons constaté une
forte évolution des discours ces dernières années.
Avec la progression et la rapidité de la médiatisa-
tion, il est difficile à une entreprise de cacher le
moindre fait, ou le moindre risque : les salariés
peuvent en un clic livrer les informations sur les
réseaux sociaux. Les entreprises se sont donc
beaucoup professionnalisées dans leur gestion et
leur communication sur les risques. Même les plus
petites - qui ne disposent pas d’équipes spéciali-
sées - formalisent aujourd’hui leur appréciation
du risque. Dirigeants et administrateurs sont
de plus en plus conscients de l’importance de la
prévention des risques. C’est devenu un sujet d’ac-
tualité régulier lors des conseils d’administration.
À tel point que l’apparition d’un nouveau risque
- comme la perte d’un client important, ou le vote
d’une loi qui touche l’entreprise - peut justifier la
convocation d’un conseil ad hoc.
Êtes-vous satisfaits des éléments qui vous sont
communiqués ?
Globalement non. Nous ne sommes pas satis-
faits. Les entreprises ont encore beaucoup de
progrès à faire pour permettre aux administra-
teurs d’avoir un niveau d’information suffisant
pour apprécier la nature des risques et pouvoir en
identifier les «signaux faibles», c’est-à-dire les
signes avant-coureurs. Concrètement, certaines
entreprises ne fixent pas d’ordre du jour, ne nous
transmettent pas les documents préparatoires qu’il
nous faudrait étudier pour être en capacité de poser
des questions pertinentes ou, enfin, n’apportent
pas un niveau de détail suffisant sur les dossiers
complexes. Par exemple, lors d’une acquisition,
les études réalisées sont souvent trop sommaires,
tant sur les risques de pertes de clients après l’opé-
ration, que sur les risques RH liés à l’intégration,
l’harmonisation des systèmes de rémunération ou
la gestion sociale. Enfin, les problèmes liés à la
culture des entreprises sont souvent mésestimés.
Nous ressentons aussi le manque de hiérarchisa-
tion dans les risques qui nous sont présentés. Nous
ne pouvons pas faire face à un inventaire
exhaustif : il y a trop de domaines à étudier, sans
compter que les risques évoluent très vite, certains
pouvant apparaître ou disparaître rapidement.
Il est souvent compliqué, parfois impossible, de
créer des priorités entre les risques. Nous avons
donc tendance à nous concentrer sur les risques
«majeurs », à commencer par l’information finan-
cière car un dirigeant ou un conseil d’administra-
tion qui ne disposent pas d’une information fiable
ne peuvent pas prendre les bonnes décisions et
courent tous les risques de fraude interne...
* Fondée fin 2003 par des dirigeants d’entreprises dont les membres sont actifs dans des Conseils d’Administration ou de Surveillance, l’association
APIA (Administrateurs Professionnels Indépendants
Associés
) a pour objectifs de professionnaliser et de promouvoir la fonction d’Administrateur d’Entreprises. Ses membres interviennent essentiellement dans des petites et moyennes entreprises.
«Les PME
ont encore
des progrès
à faire.»
Michel Behar,
Président d’APIA
…UN ADMINISTRATEUR INDÉPENDANT DE PME - MICHEL BEHAR, APIA
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°3 I
JANVIER 2015
24
DOSSIER
COMMUNICATION SUR LES RISQUES