Pour le moment, les acteurs du marché restent donc en
retrait. «
Au niveau des pertes d’exploitation, c’est très
embryonnaire. Pour un incendie, le processus assurantiel
reste classique, mais dans les cas de pandémie, évaluer
un niveau de garantie nécessaire s’avère plus complexe.
Les entreprises vont faire de la prévention ou ont recours
à des solutions alternatives de financement afin de
compléter les solutions de garanties traditionnelle
s »
souligne Charles-Henry Madinier, Directeur du dépar-
tement Conseil en gestion des risques de Marsh France.
«
Si l’offre assurantielle est inexistante, c’est aussi selon
les professionnels que les clients ne sont pas deman-
deurs. Il y a une assez faible inquiétude de la part de
nos clients français contrairement aux États-Unis où la
question de l’assurance a pu se poser. En tant que cour-
tier, nous ne l’avons pas traité sur le plan assurantiel.
Les entreprises ne se sentent pas concernées dans leur
stratégie de Risk Management. Pour nombre d’entre
elles, Ebola reste théorique
» explique Philippe Maraux,
Directeur du département Dommages, Maritime et
Transport, Aviation et Espace de Marsh France.
«
Le phénomène a été très médiatisé mais il n’y a pas
d’impact économique pour le moment. Aucun courtier, ni
client n’a demandé de couverture sur ce risque à ce jour,
confirme Véronique Turinaz-Postel.
Néanmoins, si Ebola
s’étend dans les pays occidentaux, cela pourra avoir des
conséquences commerciales pour l’ensemble des entre-
prises françaises
».
LE PRÉCÉDENT H1N1
Rien à voir pour le moment avec les précédents SRAS et
surtout H1N1 qui ont été pour beaucoup d’entreprises
l’occasion de revoir leur politique de gestion de risques.
«
Les possibilités d’extension d’H1N1 avaient été mieux
prises en compte. Il y a eu des scénarios sur la perte d’ex-
ploitation et les politiques de voyage des collaborateurs
ont été modifiées. Certaines organisations ont été obligées
d’adapter leur PCA
» poursuit Philippe Maraux. «
Dans cette
configuration, il faut évaluer l’impact de l’épidémie sur l’en-
semble de la chaîne de valeur de l’entreprise et prendre
en compte l’effet des mesures locales comme la
fermeture des frontières, mais aussi les problé-
matiques de transport qui peuvent provoquer des
ruptures d’activité. Dans ce cas, l’entreprise doit
penser à ses processus critiques et à l’élaboration
de ses solutions de back-up
» renchérit Charles-
Henry Madinier. La propagation du H1N1 (par
voies aériennes et non par contact humain comme
Ebola) et le développement de l’épidémie
dans des zones économiques dyna-
miques expliquent aussi cette
différence de traitement.
«
Néanmoins, le SRAS et H1N1 ont servi de leçons. Avec
Ebola des opérations d’hygiène sont remises à l’ordre du
jour même si ce virus n’a pas, a priori, le pouvoir de colo-
niser le monde entier. Certes, il peut voyager et créer un
foyer n’importe où sur la planète. Mais cela restera des
foyers épidémiques, il n’y pas de risques pandémiques
»
souligne le Docteur Philippe Biberson, Directeur Médical
Régional d’International SOS. Cette société s’est spécia-
lisée dans la maîtrise des risques de santé et de sécurité
à l’international et travaille avec des grandes entre-
prises mondiales dont la plupart des sociétés du CAC 40,
pour gérer les risques de leurs expatriés et voyageurs
d’affaires. Et aujourd’hui, Ebola est systématiquement
évoqué lors des renouvellements de contrats. «
Nous
avons environ 50 entreprises françaises clientes dans la
zone touchée avec des projets d’exploitation qui emploient
des personnels locaux ou des expatriés. Ils ont
également des collaborateurs qui se déplacent
»
précise Philippe Biberson. Une démarche
comprise par les entreprises, qui mettent
en place leur PCA, mais qui se heurte à
plusieurs difficultés. Par exemple, comment
faire avec les collaborateurs locaux partis
se reposer dans leur village et qui peuvent
avoir été en contact avec des personnes
infectées ? «
L’information et la formation
sont primordiales. Il faut prendre
des mesures par anticipation,
éviter de voyager si l’on est
un peu grippé car on risque
d’être mis en quarantaine
»
rappelle le Docteur Philippe
Biberson.
Les deux termes sont souvent associés
pour définir les conséquences du virus Ebola.
La pandémie
est, selon l’OMS, une flambée
de maladies infectieuses et contagieuses qui
touche une partie importante de la population,
dépassant largement les frontières et favorisée
par les moyens de communication. Parmi les
grandes pandémies de l’histoire, on peut citer
la Peste Noire du 14
e
siècle, la grippe espa-
gnole qui, entre 1918 et 1920, a tué plus de
40 millions de personnes à travers le monde,
ou le SIDA.
L’épidémie
est définie comme étant une
maladie acquise par un nombre relativement
élevé de personnes dans une région donnée
durant un intervalle de temps relativement
court. À ce titre, Ebola est considérée
comme une épidémie.
ÉPIDÉMIE OU PANDÉMIE ?
Philippe Maraux,
Directeur du département
Dommages, Maritime
et Transport, Aviation et
Espace de Marsh France
Dr Philippe Biberson
,
Directeur Médical Régional
d’International SOS
Alain Ronot,
Directeur des Assurances
du Groupe Capgemini
et Administrateur de l’AMRAE
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°3 I
JANVIER 2015
31
DOSSIER
EPIDÉMIE ET PANDÉMIE