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usqu’où un risque peut-il être assuré ? Que faire
pour remédier au désistement des assureurs ou
de la diminution de leur implication ? Cette ques-
tion de forte actualité pour les Risk Managers a
occupé nombre de débats des Rencontres car sa
réponse est plurielle. Le risque assurable repose sur trois
principes : existence d’un aléa, modélisation et mutuali-
sation possibles. Ce qui exclut ou limite certaines caté-
gories de risques. Néanmoins rappelle Gérard Naisse,
Président et CEO d’Omnium Reinsurance Company
(Total), «
l’assurabilité peut évoluer avec le temps
». Ce
risque que les assureurs refusaient de couvrir, comme
l’offshore pétrolier, peut désormais être assuré. À l’in-
verse, le risque terroriste est devenu non assurable par
les entreprises à partir du 11 septembre 2001.
«
L’assureur est soumis à des contraintes fortes et il
souhaite le plus de prévisibilité possible. Par exemple, les
risques cyber sont difficiles à modéliser par manque de
données et nous ne pouvons pas mesurer précisément leur
impact financier»
, justifie Véronique Turinaz, Directeur
commercial et marketing, Euler Hermes France. Mais
est-ce vraiment une question de quantité de données ?
«
La vraie difficulté est plutôt de savoir quelle est la bonne
information et quelle est la valorisation d’un sinistre
potentiel ? C’est un travail que nous devons mener
ensemble, assuré, assureur et courtier
», répond Françoise
Carli, Vice-présidente des assurances, Sanofi.
ADMETTRE L’INASSURABILITÉ
DE CERTAINS RISQUES
Face au financièrement viable qui définit la frontière
de l’assurabilité, Hervé Houdard, Directeur général de
Siaci Saint Honoré, met en garde contre la sur-réacti-
vité des marchés, qui peut freiner les initiatives : «
pour
repousser les limites, il est indispensable que les assu-
reurs se jettent à l’eau. Avec les capacités actuelles du
marché, c’est le moment pour innover, anticiper sur la
méthodologie et les modes de règlement des sinistres
».
Ainsi l’industrie pétrolière a mis en place une mutuelle
couvrant les risques dommages avec une capacité
maximum de 400 millions de dollars par évènement.
Mais ce n’est pas déclinable dans toutes les industries,
obligeant les entreprises à rechercher d’autres solu-
tions. Via une captive ? «
À condition de ne pas la consi-
dérer comme une poubelle dans laquelle sont placés les
risques inassurables
», précise Françoise Carli.
L’une des clés principales pour avancer est la coopéra-
tion entre tous les acteurs et surtout la compréhension
des métiers de chacun. Comme par exemple pour le
risque moral qui inclut la fraude, la faute intention-
nelle ou l’absence de compétences. «
Les perceptions ne
sont pas les mêmes dans toutes les régions du monde.
Les assureurs doivent apprendre à mieux comprendre le
modèle économique et l’environnement réglementaire de
leurs clients et savoir valoriser les assurés qui travaillent
bien. De notre côté, nous devons mieux expliquer notre
activité et admettre qu’il y a des risques inassurables »
,
martèle Françoise Carli. Et Hervé Houdard d’ajouter
que le courtier, par sa position, peut
« voir les meilleures
best practices et doit aussi participer à la formation de
l’assureur
».
RISQUES : QUELLES LIMITES À LEUR ASSURABILITÉ ?
Quand change la nature des risques, leur prise en charge par les assureurs évolue également. Une problématique supplémen-
taire pour les Risk Managers, qui appelle une concertation renforcée de tous les acteurs du financement des risques.
«Pour repousser les limites,
il est indispensable que les
assureurs se jettent à l’eau. »
Hervé Houdard, Directeur général
de Siaci Saint Honoré
De gauche à droite : Hervé Houdard (Siaci Saint- Honoré), Françoise Carli (Sanofi),
Gérard Naisse (Omnium Reinsurance Company) et Véronique Turinaz (Euler Hermes France)
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°8 I
MARS 2016
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RENCONTRES DU RISK MANAGEMENT