C
atastrophes naturelles, risques politiques
et craintes de nationalisation, conflits
ethniques ou sociaux, effondrements de
galeries souterraines comme des prix :
rares sont les secteurs qui cumulent autant
de risques que l'exploitation minière. «
Le secteur a
connu des sinistres très importants ces dernières années,
comme l'effondrement d'un pan d'une mine à ciel ouvert
aux États-Unis ou plus récemment la rupture d'un barrage
de rétention de résidus miniers au Brésil. Compte tenu de
leurs risques spécifiques et de leur concentration géogra-
phique, les mines constituent un vrai défi pour l'assurance.
Les primes pour certaines couvertures ne sont actuellement
pas à la hauteur des risques
», affirme Philippe Csakvary,
Senior mining underwriter chez Scor Global P&C, qui
compte plus de 100 clients miniers en portefeuille.
UN RISQUE DE COMPÉTITIVITÉ
Les risques les plus difficiles à gérer pour le secteur ne
sont pas assurables. «
Le risque numéro un des sociétés
minières est le risque de compétitivité, lié à la volatilité des
prix de vente des matières premières»,
explique Philippe
Thouzellier, Directeur du Management des Risques du
groupe Eramet, qui a subi de plein fouet en 2015 la
baisse, notamment, des cours du nickel et du manga-
nèse.
«L'arrivée sur les marchés de la Chine avait
provoqué une forte hausse des prix des matières
premières, mais les prix se sont ensuite effondrés
avec les interrogations sur le niveau réel de la croissance
chinoise. Une grande majorité des producteurs travaille à
perte aujourd'hui
». Car si les prix ont baissé, ce n’est pas
le cas des coûts de production, générant une «problé-
matique prix» majeure. «
Dans les années soixante-dix,
les oligopoles faisaient disparaître le risque de prix en
ajustant le marché par les volumes. Mais les barrières à
l'entrée n'ont pas tenu, et de nouveaux intervenants sont
arrivés sur le marché, comme le Vietnam dans le café, ou
la Chine dans l'aluminium. Dans ce nouvel environnement
où les marchés ne sont plus gérés par les volumes mais par
les prix, la volatilité s'impose
», explique Yves Jégourel,
Maître de conférences à l'université de Bordeaux et
senior Fellow à l'OCP Policy Center (Maroc).
Avec deux solutions pour limiter le risque. Soit le contrat
commercial,quipermetdegarantirsonprixd'achat/vente
sur une période donnée. Soit le recours à unmarché finan-
cier… lorsqu'il existe. «
Alors que les contrats commerciaux
concentrent les risques sur les deux contreparties que sont
le producteur et l'acheteur, les contrats financiers à terme
permettent de diviser le risque dans le temps et l'espace, et
de multiplier les contreparties. Ils offrent, en quelque sorte,
une assurance
», explique Yves Jégourel. Mais ils ouvrent
aussi la voie à la spéculation. «
C'est un élément consti-
tutif de la financiarisation. Il faut l'accepter. Les produits
dérivés sont comparables à des couteaux de cuisine : ils sont
nécessaires, mais ils sont dangereux
», indique-t-il encore.
Car il n'est pas simple de maîtriser les cycles. «
Que l'en-
treprise se couvre, ou non, nous faisons toujours un pari sur
l'avenir
», rappelle Philippe Thouzellier.
RESSOURCES NATURELLES :
COMMENT FAIRE FACE À LA VOLATILITÉ ?
Après un pic en 2007 et 2011, les matières premières ont connu, en 2015, un effondrement généralisé. Notamment sur l’alu-
minium, le pétrole et le nickel.
«Dans ce nouvel environne-
ment où les marchés ne sont
plus gérés par les volumes
mais par les prix, la volatilité
s'impose. »
Yves Jégourel, Maître de
conférences à l'université de Bordeaux
«Les produits dérivés sont comparables à des couteaux de
cuisine : ils sont nécessaires, mais ils sont dangereux.»
Yves Jégourel, Maître de conférences à l'université de Bordeaux
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°8 I
MARS 2016
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