C'
est au quotidien que le président et cofondateur
d'Arengi, Gilles Proust, fait le constat de la pluralité
des politiques de Management des Risques. Comme
le montre l'enquête du «
Livre Blanc 2016 de l'AMRAE
sur le Risk Management et la stratégie
», il voit chaque
jour des approches et des pratiques très diverses en la
matière. Selon son analyse, trois principaux profils d'en-
treprises cohabitent. «
Les profils “défensifs“, qui se foca-
lisent sur les risques opérationnels “non désirés“, ont une
approche bottom-up et une faible formalisation des risques
dans les process de décision
», explique-t-il. Deuxième
catégorie : les profils «
connectés
», qui «
intègrent des
risques business ou acceptés dans leurs cartographies, ont
structuré leur fonction ERM et font le lien entre la gestion
des risques et les objectifs stratégiques de l'entreprise
».
Enfin, les entreprises «
intégrées
», qui ont franchi une
étape supplémentaire : «
leurs comités interagissent avec
la fonction ERM. Il existe de fortes synergies entre la gestion
des risques et les processus de pilotage de l'entreprise et de suivi des projets
clés
», détaille Gilles Proust, qui estime qu'un nombre croissant d'entre-
prises tend aujourd'hui vers ce dernier schéma.
Parmi elles, le groupe Engie, qui a mis en place une analyse straté-
gique sur ses risques pays. «
On l'oublie parfois, mais Engie est présent
dans près de 70 pays et la France ne représente qu'environ un tiers du
chiffre d'affaires
», souligne Michel Dennery, directeur du Management
des Risques du groupe énergéticien, qui a commencé, dans un premier
temps, par bien définir le sujet. «
Dans le langage courant, on entend par
'risque pays' l'aléa pays mais, en réalité, cela correspond à l'exposition
des valeurs de l'entreprise – capitaux employés, actifs, contrats, marques,
Ebitda ou résultat net – dans un pays donné. Il faut s'interroger sur l'expo-
sition financière de l'entreprise, au regard de l'instabilité et du risque de
chaque pays
», détaille Michel Dennery. S'appuyant sur les nombreuses
données du marché, le groupe Engie a mis en place sa propre formule
pour construire une carte mondiale et définir, pour chaque pays, un
niveau de rentabilité requis, fonction du niveau de risque. «
Nous avons
établi quatre classes de pays, correspondant à quatre niveaux de rentabi-
lité des projets. Nous avons aussi fixé des “seuils d'attention”, par pays
et par zone : lorsque le seuil est atteint, nous ne nous interdisons pas de
nous développer, mais nous faisons plus attention et nous considérons
les enjeux stratégiques des projets. Enfin, nous avons des critères d'ex-
clusions, qui interdisent les projets présentant des risques
que nous ne voulons pas prendre… sauf modification de
l'environnement
», explique Michel Dennery qui rappelle
bien que «
si les Risk Managers ont apporté la méthode
d'analyse des risques, les seuils de risques relèvent, eux,
de choix stratégiques
». L'ensemble est bien sûr suivi et
réévalué régulièrement, en fonction notamment de l'ac-
tualité des pays.
Le groupe Darty, lui, vient d'achever un grand projet sur
son appétit au risque. «
Nous avons voulu définir, pour
chaque risque, notre niveau d'appétence. Ce projet nous
a aussi permis de mettre nos travaux annuels sur le plan
stratégique en cohérence avec notre analyse des risques
», indique Cécile
Helme-Guizon, Directrice de la Stratégie du groupe de distribution
et membre du comité exécutif. Le projet a débuté par des rencontres
avec les membres du Conseil d'administration (qui, à l'anglo-saxonne,
comprend aussi certains membres du comité exécutif). «
Le directeur
des risques et moi – en tant que Responsable de la stratégie - avons inter-
viewé, un à un, chacun des membres du Conseil d'administration, pour
connaître son ressenti sur chaque risque, et son niveau d'appétence. Nous
avons ensuite réalisé des compte-rendus anonymes mais détaillés, avec des
éléments tant quantitatifs que qualitatifs
», indique Cécile Helme-Guizon.
Tous les risques ont été passés en revue : depuis les risques stratégiques
et de développement (moteurs de la croissance, digitalisation, poli-
tiques commerciales, M&A, etc.), jusqu'aux risques de «
compliance
» et
opérationnels bien évidemment, mais aussi aux risques financiers, etc.
Pour, finalement, aboutir à un tableau présentant les degrés d’appétence
«
moyens
». «
Un consensus peut apparaître sur certains risques, mais ce
n'est pas toujours le cas. La démarche a montré que les membres du Board
avaient sur certains sujets des perceptions très différentes du degré de
risque qu'ils souhaitent prendre
». En posant clairement ces différences,
le projet a permis de mieux préciser la stratégie du groupe. «
Nous avons
L'ÉVALUATION DU RISQUE S'INVITE
DANS LA PRISE DE DÉCISIONS
À l'image de Darty, Engie ou Ipsen, un nombre croissant d'entreprises intègrent l'évaluation et la gestion des risques dans
leurs processus stratégiques.
« Leurs comités interagissent avec
la fonction ERM. Il existe de fortes
synergies entre la gestion des risques et
les processus de pilotage de l'entreprise
et de suivi des projets clés.»
Gilles Proust, Président et cofondateur d'Arengi
« Ce projet nous a aussi permis
de mettre nos travaux annuels sur
le plan stratégique en cohérence
avec notre analyse des risques.»
Cécile Helme-Guizon, Directrice de la Stratégie
du groupe Darty
Gilles Proust,
Arengi
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°8 I
MARS 2016
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ÈME
RENCONTRES DU RISK MANAGEMENT