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«

Les accords de la COP 21 ont établi un nouveau consensus sur le

changement climatique et marquent une inflexion dans les anti-

cipations des agents économiques. Néanmoins, des questions

demeurent sur la mise en œuvre de l’accord

», reconnaît Pascal

Lamy. Les problématiques d’environnement se heurtent à des

impératifs économiques. À l’heure où l’on veut faciliter les échanges des

marchandises et des humains, est-il possible de réduire les émissions de

CO

2

? Comment faire pour améliorer les synergies entre ces deux univers,

si différents, de la gouvernance internationale ?

DIVERGENCE ENTRE INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES

ET ENVIRONNEMENTAUX

Les différences sont grandes d’abord d’un point de vue historique.

«

Le premier traité de commerce a été signé au 15

e

siècle avant Jésus-

Christ tandis que l’accord de Kyoto date de 1997

», rappelle Pascal Lamy.

Vingt-trois siècles d’écart où de nombreux économistes à l’instar

d’Adam Smith n’ont cessé de déclarer que l’ouverture des échanges

étaient bons pour l’humanité. Alors qu’il a fallu attendre 1998 avant

que l’ONU ne s’interroge sur les changements climatiques.

Autre différence de taille pointée par l’ancien patron de l’OMC : « 

la

perception par les acteurs concernés de la valeur de l’échange. L’échange

international est un jeu à somme positive avec un bénéfice pour les deux

parties. Tandis que la répartition des échanges carboniques est un jeu à

somme nulle. Si un pays réduit ses émissions de

CO

2

et l’autre pas, cela

n’a pas de grandes conséquences et ne pousse pas à être vertueux. Il faut

donc ajuster des intérêts et des valeurs hétérogènes

». Mais là encore

la tâche est complexe car les systèmes juridiques n’ont pas la même

maturité. S’ils sont ultra-sophistiqués pour les échanges internatio-

naux avec l’existence de l’OMC, une organisation supranationale, ils

sont beaucoup moins solides et reconnus concernant les probléma-

tiques de changements climatiques. La référence Kyoto qui a édicté de

vraies contraintes pour les pays signataires «

ne concernait que 20 %

des émissions de CO

2

de la planète

».

LE RÔLE DES ACTEURS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX

Ces mondes si différents voire divergents peuvent-ils s’accorder ?

«

Il y a des similarités car dans les deux cas, ce sont des phénomènes

globaux qui concernent l’humanité. Et l’essentiel des décisions est aux

mains d’États-nations souverains

», souligne Pascal Lamy. La synergie

est donc théoriquement simple. «

Il suffit de faire monter le prix

mondial du

CO

2

au prix de son dommage ce qui entraînera une baisse de

la consommation des énergies fossiles et une hausse des énergies renou-

velables. On verra ainsi naître une nouvelle division internationale du

travail, un ajustement des prix et une modification des comportements

».

Mais, prévient l’orateur, «

une hausse du prix du carbone mondial est

un rêve qui ne se réalisera pas et pendant longtemps, nous allons navi-

guer avec des systèmes où les prix du carbone seront différents

». Cette

hétérogénéité réduit l’efficacité des mécanismes économiques et les

conditions semblent bien difficiles à réunir pour réussir. Pascal Lamy

garde cependant espoir car «

aujourd'hui, nous vivons une transition

où ces questions se décentralisent pour être accaparées par les acteurs

économiques et sociaux : ville, cités, entreprises, société civile… C’est

pourquoi, le sommet de Copenhague, où seuls les diplomates étaient

impliqués, a échoué et que Paris a été un succès.

»

COP 21 : UN NOUVEAU CONSENSUS SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

MAIS DES QUESTIONS EN SUSPENS SUR LA MISE EN ŒUVRE

PASCAL LAMY, ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’OMC

C’est à Pascal Lamy, ancien Directeur général de l’OMC et actuel Délégué interministériel à la candidature de Paris pour

l'exposition universelle de 2025, qu’est revenue la tâche de clore les 24

ème

Rencontres de l’AMRAE. L’occasion pour ce bon

observateur des turbulences mondiales de se satisfaire de l’accord de la COP 21.

ParFlorencePuybareau

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE

I N°8 I

MARS 2016

46

DOSSIER

RETOUR SUR LES 24

ÈME

RENCONTRES DU RISK MANAGEMENT