C'
est l'ambitieux projet de la démarche internationale de
«
l'integrated reporting
», ou «
reporting intégré
», qui
se développe depuis 2009 (effet parmi d'autres de la
crise de 2008...). Elle a donné lieu en 2012 à la création
d’une structure spécifique. L’International Integrated
Reporting Council (IIRC), milite, réunit, présente et... teste. La démarche
prospère dans certains pays comme l'Afrique du Sud, peu en France où
de rares entreprises se sont réellement impliquées dans le programme
«pilote» parmi lesquelles les groupes Danone ou Engie (convaincu par la
philosophie du reporting intégré, mais pas directement par la démarche
de l'IIRC), ou encore Vivendi, qui a consacré dans son dernier rapport
annuel (publié le 15 mars) un véritable chapitre au sujet.
Pour justifier de leur frilosité, les groupes arguent du coût d'un tel projet
(qui pour être mené à bien doit véritablement intégrer des informations
issues de toute l'entreprise), et le voient souvent comme une «
couche
supplémentaire
» s’ajoutant aux nombreux documents de référence,
annexes aux comptes ennormes françaises et internationales, rapports de
gestion et autres éléments de développement durable déjà obligatoires...
Pour les Risk Managers en revanche,
l'intérêt de la démarche est très net :
le «
reporting intégré
» prétend à terme
montrer les liens entre risques et déci-
sions opérationnelles, entre prise de
risque et mesures de contrôle. Afin que
chacun puisse peser sa prise de risque
à l'aune de son ambition stratégique.
Le rapport intégré souligne claire-
ment le lien entre objectifs straté-
giques et maîtrise des risques et
oblige les entreprises plus matures
en gestion des risques à dépasser
la dimension anxiogène sur les
risques en considérant les risques
et les opportunités.
SYNTHÉTISER, ALLÉGER, REDISTRIBUER :
LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL DE L’AMF
SUR L’INFORMATION SUR LES RISQUES
L’Autorité des Marchés Financiers a également constaté que la multi-
plication des documents de référence nuisait à la lisibilité de l’infor-
mation sur les risques. Elle a constitué un groupe de travail auquel
participait l’AMRAE pour faire des propositions visant à rendre l’in-
formation donnée aux actionnaires et au marché sur la nature et la
gestion des risques plus pertinente et intelligible et plus cohérente
dans le temps. Pour ce groupe de travail, une information plus perti-
nente devrait s’articuler autour d’une description des risques spéci-
fiques et « sensibles » de l’entreprise, c'est-à-dire ceux jugés comme
de nature à remettre en cause la continuité d’exploitation ou signifi-
catifs au regard de l’activité et/ou du développement et de la stratégie
de l’entreprise ; il ne s’agit plus d’une liste exhaustive des risques.
Toutefois les facteurs de risques restent en l’état, même s’ils devraient
avoir tendance à se réduire ainsi que des moyens (acteurs et systèmes)
que la société met en œuvre pour maîtriser ses risques en indiquant le
cas échéant et si cela est pertinent et possible, une mesure de l’impact
d’un risque majeur décrit. Pour ce faire, la proposition de modification
des différents textes réglementaires permettra de rassembler l’infor-
mation sur les risques :
1/ dans le rapport de gestion pour les sociétés avec Conseil d’admi-
nistration ou dans le rapport du conseil de surveillance pour les
sociétés à structure duale (Directoire et Conseil de Surveillance et
sociétés en commandite par action en supprimant le rapport spéci-
fique du Président relatif à l’efficacité des systèmes de contrôle
interne et de gestion des risques ;
2/ ainsi que dans un rapport unique du Commissaire Aux Comptes qui
contiendrait à la fois les observations sur les risques des CAC dans
un paragraphe ad hoc (au lieu d’un rapport distinct) et les diligences
prévues par la loi en matière de comptes et d’information financière.
À ce jour le calendrier législatif n’est pas connu.
VERS UN «REPORTING INTÉGRÉ» POUR FAIRE
LE LIEN ENTRE RISQUES ET STRATÉGIE ?
eu de vrais échanges, à froid et sans urgence, sur le risque au sein du conseil
d'administration. La démarche a permis un alignement entre le comité
exécutif et le Conseil d'administration des positions sur le risque. Certaines
priorités ont été reposées : nous nous sommes parfois rendu
compte qu'il fallait renforcer l'environnement de contrôle du
risque pour aller de l'avant sur certains sujets
». Très satis-
fait, le groupe envisage de reconduire l'exercice tous les
deux ans.
Le groupe pharmaceutique Ipsen est lui aussi véritable-
ment «
intégré
». «
Nous avons travaillé en comité sur notre
‘appétit’ face aux 25 principaux risques de l'entreprise.
Les risques sont classés en trois domaines, chacun associé
à un niveau de contrôle obligatoire
», explique Anne Piot
d'Abzac, VP Chief Risk Officer du groupe et administra-
trice de l’AMRAE. Première catégorie, les risques pour
lesquels une faible maîtrise est acceptée, puis ceux pour lesquels il faut
une maîtrise «
a minima élevée
» et enfin les risques pour lesquels est
souhaitée «
une maîtrise très élevée
». «
La démarche, qui s'est révélée
très structurante, nous a permis d'avoir une photo de la
situation actuelle. Nous avons constaté que si une large
part des risques identifiés avaient un niveau de maîtrise
conforme à l'appétit du Groupe, d'autres devaient faire
l'objet d'efforts supplémentaires. Pour ces derniers,
nous nous sommes fixés des objectifs d'amélioration : un
niveau cible de maîtrise. Enfin, un lien a été établi avec le
plan stratégique : nous vérifions que les sujets “rouges“
sont bien pris en compte »
, explique Anne Piot d'Abzac.
Avec aussi, à terme, la possibilité d'estimer que certains
risques «
mineurs
» font l'objet de contrôles surdimen-
sionnés… Car c'est cela, aussi, le
«Risk Management de
la performance
».
Anne Piot d'Abzac,
VP Chief Risk Officer, Ipsen
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°8 I
MARS 2016
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RENCONTRES DU RISK MANAGEMENT