Dans le groupe Axa, qui compte 600 personnes travail-
lant sur le Risk Management, le constat est comparable.
«
L’apport de Solvabilité II est considérable car elle a
ancré le Risk Management dans les pratiques de l’en-
treprise. Le fait de revenir de façon régulière auprès du
comité exécutif en présentant l’analyse de nos risques et
la façon dont ils ont évolué, en vérifiant que cela corres-
pond aux risques… sont des éléments dont on ne parlait
pas il y a 10 ans et qui sont devenus clés dans notre indus-
trie. Chaque risque pris sur un investissement, un produit,
une ligne de business… a une charge en capital définie
et propre à ce risque-là. In fine, cela permet d’aligner les
risques que nous prenons, le capital que nous mettons
derrière et les profits que nous espérons en retirer
», note
Alban de Mailly Nesle, CRO d’Axa.
LE CONSEIL D’ADMINISTRATION
EN PREMIÈRE LIGNE
«
Le principe sur lequel repose Solvabilité II est de mettre
le risque au cœur de l’entreprise, risque qui devient l’un
des drivers de la prise de décision
», rappelle Jérôme
Isenbart, Directeur des Risques de la CCR. «
Il ne s’agit pas
d’un changement de philosophie. C’est une démarche que
nous intégrons depuis longtemps. Néanmoins, Solvabilité II
a pu être un accélérateur pour comprendre certains
risques, suivre certaines expositions. Et bien sûr un accé-
lérateur en termes de gouvernance avec les quatre fonc-
tions clés qui sont un lien supplémentaire avec le Conseil
d’administration
».
Il y a 3 ans, la CCR a ainsi mis en place des comités de
risques qui permettent aux participants de partager
de façon transverse leur vision des risques : «
cela
décloisonne les entités opérationnelles qui se mettent
à échanger entre elles et à exprimer les risques qu’elles
produisent, et réciproquement. Nous avons associé
risques et impact budgétaire. Historiquement les Conseils
d’administration validaient des business plans avec des
chiffres d’affaires et des cibles de résultat. Maintenant,
on lui demande d’autoriser une certaine prise de risque
associée selon des scénarios intermédiaires. Plus de
scénario central, ni de scénario extrême de solvabilité de
l’entreprise. Mais un entre-deux. Charge à nous de déter-
miner le niveau de prise de risque que nous allons tolérer
et duquel nous allons déduire un certain nombre d’in-
flexions stratégiques vers des opérations plus ou moins
risquées. Cette vision en budget de risques est validée
par le Conseil d’administration, passe par la Direction
Générale et est mise en pratique par toutes les directions
opérationnelles
», résume Jérôme Isenbart.
Une démarche qui demande de la pédagogie mais
«
maintenant, les Risk Managers arrivent à montrer leur
contribution à la mise en place du dispositif de maîtrise
des risques et l’intérêt de ce dispositif dans l’atteinte
des objectifs. Aujourd’hui, ces fonctions risques sont
nécessaires et ancrées dans le paysage. Solvabilité II leur
donne un rôle de vigie. C’est aussi pourquoi leur sont
souvent confiés les risques émergents ; et qui dit risques
émergents dit futures opportunités commerciales.
»
À la CCR, la Direction des risques, créée il y a cinq ans,
emploie aujourd’hui 13 personnes (sur un total de 250)
avec un représentant dans chaque entité «
qui donne
10 % de son temps pour la vision risque des opérations.
Ces personnes servent de relais car nous souhaitons que
la Direction des risques soit présente mais pragmatique.
Nous ne sommes pas là dans un environnement de sanc-
tion, mais pour accompagner le développement de l’entre-
prise et faciliter les choses
», insiste Jérôme Isenbart.
MODÈLE INTERNE ET FORMULE STANDARD
Pour respecter l’exigence quantitative voulue par le Pilier I, les entreprises avaient le choix de s’appuyer sur une formule standard ou de
développer un modèle interne à valider par l’ACPR. Rares sont les compagnies françaises à avoir adopté un modèle interne intégral – à
l’instar d’Axa et de Scor –, très lourd et complexe à mettre en œuvre.
Denis Kessler, le PDG de Scor rappelait récemment que l’élaboration du modèle interne chez le réassureur avait mobilisé plus de 70
personnes et abouti à un rapport de 20 000 pages. «
Nous avons commencé à travailler à un modèle interne il y a déjà une douzaine
d’années et nous l’avons affiné au fur et à mesure que la réglementation sur Solvabilité II se précisait ». «Dans la gestion des risques, il est clé
d’avoir un modèle interne
», souligne Alban de Mailly Nesle. Certaines compagnies ont fait le choix du modèle interne partiel et d’autres
ont gardé la formule standard qui comporte différents modules (risques de marché, risque de contrepartie…) et qui peut inclure des USP.
«
Pour certains risques de souscription, des modules non-vie ou santé, l’entreprise peut substituer aux paramètres de la formule standard,
des paramètres estimés sur ses propres risques
», souligne Pierre Thérond, actuaire chez Galéa.
Alban de Mailly Nesle
,
CRO, Axa
Jérôme Isenbart,
Directeur des Risques, CCR
Pierre Thérond,
Actuair, Galéa
« Le grand intérêt
de Solvabilité II pour
un Risk Manager de
compagnie d’assurance,
c’est l’alignement total
entre le capital et
la gestion des risques. »
Alban de Mailly Nesle, CRO, Axa
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°7 I
DÉCEMBRE 2015
18
DOSSIER
SOLVABILITÉ II