UNE PETITE AVANCE POUR L’INDUSTRIE
FINANCIÈRE
Le secteur financier paraît à cet égard avoir pris une
longueur d’avance sur les autres industries. En effet,
les sociétés de gestion de portefeuille se doivent
d’avoir un responsable de la conformité et du contrôle
interne (RCCI) agréé par l’AMF. Dans les banques depuis
Bâle 2 (2005) et les compagnies d’assurance (avec
Solvabilité II), la fonction conformité fait partie des
fonctions clés de l’entreprise. Mais parallèlement, la
non-conformité réglementaire a aussi évolué dans le
temps notamment pour le blanchiment d’argent voire
des faits considérés aujourd’hui, mais pas hier, comme
de la corruption.
SANCTIONS FINANCIÈRES ET ATTEINTES
À LA RÉPUTATION
Des risques mieux identifiés mais dont la portée n’est en
revanche pas toujours évaluée à sa juste mesure même
si les sanctions se multiplient et se durcissent : le quoti-
dien Le Monde a calculé qu’entre le début de la crise
des subprimes en 2007 et juin 2015, le montant des
amendes réglées par les banques du monde entier pour
fraude aux réglementations s’est monté à 190 milliards
de dollars. Dont la moitié pour la seule année 2014.
Si le porte-monnaie est atteint, la réputation l’est tout
autant, à une époque où l’image est devenue primor-
diale. Nike, Adidas… et bien d’autres ont été réguliè-
rement épinglés pour avoir laissé des jeunes enfants
travailler dans les usines textiles de leurs sous-trai-
tants. Ce n’est qu’après le tollé médiatique provoqué
par la révélation des conditions de travail au Rana Plaza
que certains grands donneurs d’ordre nationaux ont
fini par accepter de reconnaître une part de responsa-
bilité et versé aux fonds d’indemnisation.
Pour Agnès Touraine, ces affaires prouvent que les entre-
prises n’ont plus le choix : «
on peut prendre un risque de
chiffre d’affaires, un risque de marges… Mais on ne peut
plus prendre des risques d’éthique
».
«L’ARDENTE OBLIGATION» DE LA VERTU
Cependant la révélation régulière de nouvelles atteintes
à l’éthique et à la conformité ne montrent-elles pas que
les réglementations et les déclarations d’intention
des organisations ont de sérieuses limites ? «
C’est au
contraire la preuve que si l’entreprise ne tient pas compte
de ces éléments, elle prend un risque énorme. Tout est
devenu transparent, tout se sait ou finit par se savoir.
Cela condamne l’ensemble des acteurs à être vertueux
»,
se félicite Anne Piot d’Abzac, Administrateur de l’AMRAE
et VP Chief Risk Officer d’Ipsen Pharma.
Céline Fantin Le Calvé, Directrice Audit Interne,
Risques, Éthique & Conformité de bioMérieux, note que
les sanctions records subies par BNP Paribas aux États-
Unis ont fait sentir leurs effets sur les entreprises : de
plus en plus, les banques introduisent des clauses dans
les contrats de financement engageant les entreprises
à confirmer qu’elles respectent les règles internatio-
nales en vigueur en matière d’activités dans les pays
sous embargo, en référence notamment à l’OFAC (Office
of Foreign Asset Control), l’organisme en charge de
faire respecter les sanctions américaines à l’égard de
pays et d’entités dont il tient la liste à jour. Les banques
cherchent dorénavant à avoir une vision fine des acti-
vités de leurs clients dans les pays sensibles, avec pour
objectif de pouvoir résilier crédits et conventions de
compte si leurs clients ne s’y conforment pas, poussant
ainsi ces derniers à évaluer leur dispositif de maîtrise
du risque « export control ».
«On peut prendre un risque
de chiffre d’affaires, un risque
de marges… Mais on ne peut
plus prendre des risques
d’éthique. »
Agnès Touraine, IFA
Anne Piot d’Abzac,
VP Chief Risk Officer, Ipsen
Pharma et Administrateur
de l’AMRAE
Céline Fantin Le Calvé,
Directrice Audit Interne,
Risques, Éthique &
Conformité de bioMérieux
Sylviane Hautin,
Associée, Responsable des
activités Risk Consulting,
KPMG
Vladimir Rostan
d’Ancezune,
Avocat Associé, HMN & Partners
et HMN Alvarez Latin America
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°9 I
JUIN 2016
16
DOSSIER
ÉTHIQUE ET CONFORMITÉ