DES NOTIONS DIFFICILES À DÉFINIR
Mais de quoi parle-t-on exactement quand il s’agit d’éthique et de
conformité ? Difficile de répondre avec exactitude car le périmètre
de ces deux notions varie en fonction des entreprises, de leurs
activités et des pays. Monde occidental et pays émergents n’ont
pas toujours les mêmes critères. «
Les entreprises occidentales ont
des obligations dans les États où elles ont leur siège social, qui n’ont
souvent rien à voir avec ceux où sont situés leurs sites de production.
À une époque, elles ne communiquaient pas sur ce qu’elles faisaient
dans ces pays. Mais les temps ont changé et ce n’est plus possible.
Aujourd’hui, elles viennent avec leurs concepts occidentaux rehausser
le niveau local afin de protéger les salariés et l’image de l’entreprise
dans son pays d’origine
», constate Vladimir Rostan d’Ancezune,
Avocat Associé chez HMN & Partners et HMN Alvarez Latin America,
qui travaille étroitement avec des grands groupes industriels.
Pour Agnès Touraine, il faut distinguer l’éthique normative, qui
est en fait la conformité à la réglementation – la
hard law
– de
l’éthique comportementale, la
soft law
. «
La première n’a pas
de sens sans la seconde. Est-ce que l’entreprise et donc chacun
de ses membres possède l’éthique comme valeur fondamentale ?
C’est-à-dire comprend et applique les notions d’éthique même
sans être contraint de le faire ?
», s’interroge la Présidente de
l’IFA. Or poursuit-elle, «
l’éthique comportementale passe par
la confiance, plutôt bien acceptée dans les pays anglo-saxons
tandis qu’en France nous vivons encore beaucoup autour de la
notion de défiance qui augmente le risque de façon majeure. Mais
la confiance passe par la transparence et la transparence est le
début d’une compréhension du risque
».
«
Il y a une réelle volonté du TopManagement de prévenir ces risques qui
peuvent vraiment nuire à l’activité de l’entreprise
», confirme Sylviane
Hautin, Associée KPMG, Responsable des activités Risk Consulting.
ÉTHIQUE ET CONFORMITÉ : ÉLÉMENTS D’ATTRACTIVITÉ
ET FACTEURS CONCURRENTIELS
Si les entreprises sont tenues de respecter les réglementations,
c’est aussi parce que des raisons économiques et commerciales
les poussent à être exemplaires. Désormais, l’attractivité d’une
entreprise se mesure également à l’aune de son éthique et de sa
conformité.
Une étude mondiale, réalisée en 2013 par PwC, sur la prise en compte
de la RSE par le Private Equity montrait que 71% des répondants inté-
graient les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouver-
nance) dans les processus de due diligence. Pour 80% d’entre eux,
ces critères pouvaient réduire le prix de la transaction voire bloquer
l’accord. En revanche, le taux dégringolait (36%) s’agissant d’une
sortie, le respect des critères ne donnant pas systématiquement lieu à
une évaluation supérieure «
puisqu'elle est considérée comme incluse
dans le prix de départ
». Dominique Laymand, Directrice Éthique
et Compliance d'Ipsen Pharma, voit également dans l’Éthique et la
Compliance «
un élément de valorisation de l’entreprise pris de plus
en plus en compte par les fonds d’investissement. Et une étape supplé-
mentaire sera bientôt franchie dans notre secteur avec la publication
des interactions avec les professionnels de santé qui apportera une
transparence sur nos activités, nous permettant de construire ce climat
de confiance nécessaire dans le monde de la santé.
»
Les mauvais points sont vite distribués
Pour les secteurs financiers, «
l'approche
classique Risk Management implique de
prendre en compte le risque de non-confor-
mité, qui peut remettre en cause le business
plan et donc la traduction chiffrée de la
stratégie… Par exemple, si un assureur
demande une extension d'agrément, et n’a
pas réussi à anticiper des non-conformités
ou même à résorber les écarts de conformité
suite à un contrôle, il y a fort à parier que
l’extension d’agrément sera soit repoussée,
soit tout simplement refusée
», constate
Nicolas Dufour.
Pour Anne-France Arnoux-Saugnac, Bureau
Véritas, la question ne se pose même plus :
«
ce n’est plus un “nice to have”. Cela fait
partie de la culture et c’est utile. En interne, c’est un bon fédérateur autour
des valeurs de l’entreprise. Et dans les appels d’offres avec les gros clients,
nous ne sommes pas retenus si nous n’avons pas un code d’éthique
.»
Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il y a déjà longtemps que
l’éthique est unmarqueur surveillé de près notamment par les consom-
mateurs. Ainsi, en 2011, le site Ethical Consumer abaissait la note de
Virgin Money, qui venait de racheter Northern Rock (une banque impli-
quée dans la crise des subprimes), de 12 à 7,5 (sur 20) en raison des
mauvaises décisions financières prises par la banque pendant la crise.
Enfin, ce sont aussi des éléments d’attractivité pour attirer les talents,
surtout les jeunes, de plus en plus soucieux d’intégrer des entreprises
éthiques.
Nicolas Dufour,
Responsable du contrôle
interne et de la Maîtrise des
Risques, Mutuelles UMC
« Tout est devenu transparent,
tout se sait ou finit par se savoir.
Cela condamne l’ensemble des
acteurs à être vertueux. »
Anne Piot d’Abzac, Ipsen Pharma
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°9 I
JUIN 2016
15
DOSSIER
ÉTHIQUE ET CONFORMITÉ