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l y a 15 ans, la chute du géant de l’énergie Enron,
notamment pour malversation financière, et celle
d’Arthur Andersen dans son sillage, ont marqué un
tournant dans la gouvernance des entreprises.
Certes, il ne s’agissait pas du premier scandale d’entre-
prise mais son ampleur, ses conséquences et sa notoriété
(qualifiée par Goldman Sachs de «best of the best»), ont
durablement marqué les esprits et poussé les pouvoirs
publics à renforcer les réglementations nationales et
extraterritoriales. Pourtant, les États-Unis avaient
institué dès 1977, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA)
pour lutter contre la corruption. En 1992, c’est le COSO
(Committee Of Sponsoring Organizations of the Treadway
Commission), destiné à l’origine à lutter contre la fraude
et qui avec le temps s’est transformé en référence du
Contrôle interne, qui avait vu le jour.
DES DEUX CÔTÉS DE L’ATLANTIQUE,
LES LÉGISLATEURS À L’ŒUVRE
Aux États-Unis, la loi Sarbannes-Oxley (2002), au
Royaume-Uni, le Bribery Act (2011), en France, la
ratification de la convention OCDE (2000), la loi de
Sécurité financière avec rédaction d’un rapport du
Président (2003) puis obligation, à partir de 2012,
du rapport RSE pour toutes les entreprises de plus de
500 salariés et bientôt la loi Sapin 2 (attendue pour la
fin de l’année)… La liste des textes qui doivent amener
et cadrer éthique et conformité (et donc vaincre la
corruption et la fraude) dans la vie des affaires, est
longue. Sans compter les normes, les codes et autres
réglementations propres à chaque secteur d’activité.
DES DISPOSITIFS EFFICACES ?
Cette avalanche, outre qu’elle oblige les entreprises à
muscler leur direction juridique et à se doter de départe-
ments ad hoc (compliance, éthique, contrôle interne…),
a-t-elle eu l’effet escompté ? Au vu de la multiplication,
ces dernières années, de scandales qui mettent claire-
ment en avant des manquements à l’éthique et à son
exigence comme à la conformité, nombreux sont ceux
qui en questionnent l’efficience. De l’effondrement
en 2013 du Rana Plaza au Bangladesh (plus de 1 200
victimes) aux logiciels truqués de Volkswagen en passant
par la révélation des Panama Papers, les fautes sont
lourdes, et les impacts pour les publics et la pérennité
des entreprises souvent dramatiques.
DES ACTIONS CONFRONTÉES À LA RÉALITÉ
ÉCONOMIQUE
Graves aussi sont les refus de certaines entreprises à
reconnaître leurs responsabilités –pourtant avérées–
rejetant la faute sur des sous-traitants ou des tiers.
Les résultats de l’étude, publiée fin avril par EY, sur les
écarts de conduite des entreprises sont inquiétants.
Si
«de nombreuses entreprises dans le monde ont pris
les mesures nécessaires pour lutter contre les risques de
fraude et de corruption, l’existence de comportements non
éthiques persiste
», soulignent les consultants. Et d’en-
foncer le clou avec ce chiffre : «
36% des directeurs finan-
ciers (46%de leurs collaborateurs) pourraient excuser une
conduite non-éthique pour améliorer des résultats finan-
ciers
» ! L’étude conclut que «
les organisations doivent
prendre les mesures nécessaires pour atténuer ces risques
lors de leurs opérations, afin d’être en mesure d’identifier
et de gérer rapidement un tel événement s’il venait à se
produire
». Cette évolution, Agnès Touraine, Présidente
de l’IFA (Institut Français des Administrateurs), l’a
ressentie également au sein des conseils d’administra-
tion : «
l’éthique est une nouvelle donne pour les entre-
prises. Elle est complètement intégrée dans la stratégie de
l’entreprise, nous voyons là l’impact de la RSE. C’est un
mouvement très profond
».
DES ENTREPRISES CONDUITES
À ÊTRE PLUS VERTUEUSES
Agnès Touraine,
Présidente de l’IFA
«L’éthique est une
nouvelle donne
pour les entreprises.
Elle est complètement
intégrée dans la stratégie
de l’entreprise, nous
voyons là l’impact
de la RSE.»
Agnès Touraine, IFA
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°9 I
JUIN 2016
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DOSSIER
ÉTHIQUE ET CONFORMITÉ