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MÉTIER RISK MANAGER

ZOOM SUR…

Fabien Ravetto :

Là encore, tout dépend des situations. Une entreprise

qui serait un employeur local majeur, dans une zone géographique

donnée, aura moins de problème de pertes de talents que celle située au

cœur d’un bassin d’emploi très dynamique comme la région parisienne

par exemple. Outre les pays cités plus haut, je rajouterais leRoyaume-Uni,

où le phénomène d’attrition est plus marqué qu’en France.

Quels sont les événements à risque ?

Fabien Ravetto :

Les périodes de réorganisations, de fusions, de chan-

gement de modèles économiques et de

plans de licenciement sont propices à des

départs et donc à de potentielles pertes

de talents.

Marie-Noëlle Arrigault :

Les fusions-ac-

quisitions sont bien sûr des périodes

critiques. Mais globalement tout choc

structurel dans l’entreprise est un

risque. Car il ne faut pas oublier que le

départ d’un talent suite à une réorgani-

sation peut dépendre de deux éléments :

la nature dynamique du bassin local

d’emplois éventuellement, mais aussi

les conditions familiales dans lesquelles

se trouvent le salarié et son projet

personnel, sur lesquels l’entreprise ne peut pas vraiment jouer…

Comment prévenir ce risque ?

Fabien Ravetto :

Les réponses sont déjà mûres au sein des entreprises.

Les actions commencent dès la captation, avec le développement de la

marque employeur, l’utilisation de labels, la présence dans les forums

étudiants… Ensuite, pour fidéliser ses talents, l’entreprise bâtit de

vrais parcours de carrière. Au-delà du risque, la gestion des talents

constitue aussi une opportunité pour la fonction RH de renforcer le

sens de sa mission en travaillant autour de la qualité de vie au travail

et en utilisant les leviers offerts par les obligations réglementaires

comme l’égalité hommes-femmes, le droit à la déconnexion ou le

contrat de génération.

Marie-Noëlle Arrigault :

La prévention est le terme qui convient, car

nous sommes dans des organisations en mouvement. En travaillant sur

la base d’un pipeline, il faut essayer de capter et de retenir les compé-

tences. Mais il ne faut pas non plus négliger l’identification des talents

en interne, qu’on accompagne et fait grandir par de la formation et de

la mobilité à l’international par exemple. Cet accompagnement relève

de l’agilité de l’entreprise, de l’organisation

de son «

marché intérieur

».

Est-il possible de le garantir et de le

financer ?

Marie-Noëlle Arrigault :

Toutes les mesures

de rétention ont un coût, mais moins que

celui de recrutement externe, avec les

risques d’échec qu’il comporte. Il n’existe

pas de garanties en cas de perte de talents.

La garantie homme clé fonctionne unique-

ment en cas d’accident, pas de démission.

C’est à l’entreprise d’avoir préparé des

scénarios de crise, tout en mettant assez de

ressources pour que les salariés se sentent

bien dans leur environnement de travail.

Dans certains pays, seule la rémunération compte pour les salariés,

dans d’autres les leviers avantages sociaux/prévoyance peuvent faire

la différence. C’est aux RH de chaque pays de mener cette veille pour

limiter le risque d’attrition.

Fabien Ravetto :

Effectivement, je vois mal comment assurer une

démission, et les perturbations induites par la réorganisation après

un départ… Les critères de satisfaction varient selon les pays, les

cultures et les degrés de maturité sociale. Il est légitime qu’un salarié

ait envie d’évoluer en dehors de l’organisation, l’entreprise doit donc

lui construire un projet de carrière motivant.

« La perte de talents est

une question de long terme.

On ne peut pas s’emparer

du sujet juste parce qu’on

va vendre une activité. »

Marie-Noëlle Arrigault, Nokia

L’AVIS DE LAURENT TERMIGNON,

Directeur du département Talent & Reward chez Willis Towers Watson

Lors de notre enquête

1

menée tous les 2 ans auprès de 2 000 entreprises et de 31 000 salariés dans le monde, nous constatons que le risque de

perte de talents est un sujet sensible pour tous. Ainsi, en 2016, 20 % des sociétés interrogées reconnaissent des difficultés de rétention (41 %

dans les pays émergents). Un chiffre qui passe à 47 % lorsqu’il s’agit des salariés les plus performants (70 % dans les pays émergents). En plus

de ces difficultés de rétention, 1 entreprise sur 2 estime avoir du mal à attirer et recruter des profils experts et qualifiés (3 sur 4 dans les pays

émergents). Le problème est donc double : fidéliser et attirer de nouveaux talents.

Visibilité et communication

Interrogés sur ce qui pourrait les faire quitter leur entreprise, les salariés indiquent dans l’ordre une rémunération insuffisante

(ou jugée comme telle), des possibilités d’évolution de carrière limitées et une vision floue de la sécurité de leur emploi

(surtout dans les pays matures). Pour les entreprises désireuses de lutter contre la perte de talents, les pistes sont donc

là. Communiquer à chaque salarié son niveau de rémunération globale, incluant le salaire, l’épargne salariale, l’intéres-

sement…, lui remettre une évaluation chiffrée de l’ensemble sous forme de Bilan Social Individuel (BSI) permet une

prise de conscience utile. De même, la prise en compte des attentes et la mise en œuvre de réponses ciblées en matière

de développement ou même de communication permet d’accroître durablement la rétention. En Europe, 1 salarié sur 3

envisage de partir au moment d’une fusion (1 sur 2 en Asie). Donner de la visibilité sur leur rôle au sein de la nouvelle

organisation et les évolutions de carrière, permet de bien réussir la phase de post-fusion.

1

Global findings report for the 2016 Global Talent Management and Rewards and Global Workforce Studies.

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°12 I

MARS 2017

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