Table of Contents Table of Contents
Previous Page  57 / 84 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 57 / 84 Next Page
Page Background

MÉTIER RISK MANAGER

ZOOM SUR…

VERS L’EXTENSION DES RESPONSABILITÉS DE L’AFFRÉTEUR

Mais les opinions publiques et le droit ont évolué, notamment sous

la pression des armateurs et de différents lobbies. Plusieurs jurispru-

dences, principalement au Royaume-Uni, ont établi progressivement

que l’affréteur, en tant que participant à l’expédition maritime, devait

endosser certaines responsabilités nouvelles. Ainsi, en tant que chargeur

et souvent propriétaire de la cargaison, sa responsabilité ne se limite

plus à remettre à l’armateur une cargaison «

saine

» qui ne corrode pas

les soutes et à utiliser le bateau de façon licite, pour ne citer que deux de

ses obligations précédentes. Désormais, dans une vision plus moderne de

l’affréteur, il se voit tout d’abord impliqué dans le choix des navires et des

installations portuaires, et se trouve donc responsabilisé dès le départ.

«

L’affréteur se doit de désigner et d’envoyer les bateaux affrétés dans des

lieux sûrs : c’est la notion de "safe port/safe berth", qui doit permettre

au navire et à la cargaison d’arriver et de rester pendant les opérations

commerciales "safely afloat"

», explique Guy-Louis Fages.

Ce terme de sûreté regroupe à la fois des notions

techniques et nautiques (tirant d’eau, clair

sous quille, profondeur…) mais égale-

ment un aspect politique (port en proie

à la guerre civile, à un embargo…).

Dans l’éventualité où le bateau arri-

verait dans un port attaqué par

des rebelles ou bien en raclant le

fond de la cale, la responsabilité

de l’affréteur pourra maintenant

en partie être recherchée. «

Le

"safe port" a fait l’effet d’un coup

de massue chez les affréteurs, ils

ne s’attendaient pas forcément à

cette évolution et ont pu parfois

être surpris par ses implications

»,

reconnaît Guy-Louis Fages.

Cette vision plus large du champ des

responsabilités et de l’allocation des risques

concerne également les intérêts économiques

de l’expédition maritime, et à ce titre les éven-

tuels dommages à l’environnement liés à la pollution.

«

Suite en particulier au naufrage de l’Exxon Valdez en 1989 puis

de l’Erika 10 ans après, le concept de "deep pocket" a fait son chemin, et

pour des sinistres majeurs occasionnant d’énormes dommages à l’environ-

nement, il est désormais courant de chercher l’argent de l’indemnisation là

où il est censé se trouver. En la matière, les compagnies pétrolières, affré-

teurs de tankers réputés solvables, sont donc désormais systématiquement

recherchées en responsabilité, dans une démarche qui se veut tant éthique

que financière

», explique Guy-Louis Fages, avant de préciser : «

Ceci s’est

fait d’autant plus facilement que la responsabilité de l’armateur est depuis

toujours limitée par un plafond fixé en fonction de la taille du bateau, qui

se révèle vite insuffisant en cas de gros dommage de type marée noire (frais

de nettoyage, réparation des préjudices, indemnisation des victimes…)

».

DE NOUVELLES GARANTIES ADAPTÉES POUR L’AFFRÉTEUR

Plus responsabilisé lors de l’expédition maritime, l’affréteur sait désor-

mais qu’en cas de sinistre, sa responsabilité pourra être recherchée et

qu’il pourra être amené à payer. Il doit donc travailler en amont à la

prévention des risques, en choisissant le bon armateur, les bons bateaux,

les bons trajets et les bons ports ou terminaux et les bons auxiliaires de

transport (manutentionnaires, services portuaires, handling…),

même s’il n’est pas toujours évident d’avoir les informa-

tions suffisantes pour bien choisir. De plus en plus,

les affréteurs procèdent à des audits de sélec-

tion des bateaux (vetting) sur des critères

nautiques (âge, double coque, équipe-

ments de radionavigation…) tout en

consultant les bases de données exis-

tantes.

En complément de la prévention,

les affréteurs, qui sont conscients

des nouveaux risques, souscrivent

des contrats RC Affréteurs mis au

point par les principaux acteurs du

marché, notamment les P&I clubs,

qui sont de loin les plus appétants

à ce risque, de par leur longue expé-

rience de l’assurance maritime auprès

des armateurs. «

La RC Affréteurs s’est

imposée peu à peu dans les esprits, car l’ex-

position potentielle des affréteurs aux risques

est devenue multiforme et en pleine expansion.

Les enjeux sont de nature financière et technique

(accès au port, choix du navire…) mais aussi directement

liés aux cargaisons, avec la sophistication de la gamme des produits

transportés. S’ils sont propriétaires de la cargaison, les affréteurs ont donc

également intérêt à souscrire une RC du fait de la cargaison

», conseille

Guy-Louis Fages. À bon entendeur…

UN RISQUE BIEN COUVERT

Les courtiers les plus actifs sur ce risque

en France sont le Groupe Eyssautier, Siaci Saint

Honoré (et en particulier Cap Marine, qu’ils viennent de

racheter), Guian, Filhet Allard et Marsh. À Londres, tous les

grands courtiers font de la RC Affréteur (Marsh, Willis, Price

Forbes…), de même que les courtiers spécialisés en risques

maritimes. Ànoter que lesmarchés belges et allemands sont assez

actifs également, en particulier Junge à Anvers et Hambourg.

Les P&I Clubs (Protection & Indemnity Clubs) sont les mutuelles

historiques des armateurs pour l’assurance Responsabilité

Civile des navires. Britanniques ou scandinaves dans leur

grande majorité, ils sont regroupés au sein de l’Inter-

national Group of P&I et assurent 90 % de la flotte

mondiale de navires de commerce en assurance

responsabilité de l’armateur et de plus en

plus de l’affréteur.

57

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°11 I

DÉCEMBRE 2016