AU SEC À PARIS, INONDÉ À ORLÉANS
«
À Paris, nous étions supposés avoir les
pieds dans l’eau et bien plus, à Orléans, nous
les avions
», résume Nadine Delouche, Risk
Manager du GIE Informatique de la retraite
complémentaire (GIRC) Agirc-Arrco. Son siège
social est situé Quai de la Rapée, en bord de
Seine face à la gare d’Austerlitz dans un IGH
également occupé par Setec, une société d’in-
génierie spécialisée dans les questions envi-
ronnementales. Dans les niveaux souterrains
de l’immeuble, les véhicules particuliers des
collaborateurs, une des arrivées des réseaux
IT et leur infrastructure se trouvaient du 0 au
-5. «
Setec nous a dit qu’au-delà d’un certain
seuil, nous devrions évacuer, que l’on ait de
l’eau ou pas. Pour nous, le seuil de sécurité se-
rait une hauteur de 5,5 m de la sonde d’Auster-
litz. Évacuation obligatoire à 6,4 mètres.
» La
Protection Civile déclenchait son plan de crise
pour une hauteur d’eau de 6,4 mètres.
FACE À DES INFORMATIONS EXTERNES
PEU FIABLES, DÉCIDER SOI-MÊME
«
En pré-alerte depuis le jeudi 2 juin, nous prenons
des mesures concernant les collaborateurs tou-
chés à titre personnel par les inondations. Dans le
même intervalle, le RER C annonçait sa fermeture.
Nous autorisions nos collaborateurs à partir plus
tôt et prenions la décision de tester nos procé-
dures : mise en sécurité des biens, évacuation du
site, travail partiel à distance. Nous constatons de
visu le 3 àmidi une hauteur de 6mquand Vigicrue
annonçait 5 m 62 depuis le matin.
A la défaillance annoncée des mesures de débit,
s’ajoute celle de la sonde de niveau. Les prévi-
sions – manifestement pessimistes – qui nous ar-
rivaient n’étaient pas fiables sur la hauteur et les
débits. De quoi aussi douter sur l’heure annon-
cée du passage de l’onde de crue du Loing, pour
nous capitale, car nous estimions à 3 heures la
durée de la mise en sécurité du matériel.
LE RETOUR D’EXPERIENCE
DU GIRC AGIRC-ARRCO
Nadine Delouche,
Risk Manager du GIE Informatique de la retraite
complémentaire (GIRC) Agirc-Arrco
relogement, pertes d’usage, pertes de loyers,
autres pertes indirectes, comme les pertes d’ex-
ploitation chez les particuliers.
En Seine-et-Marne, comme dans le Var éga-
lement, certains artisans, commerçants et
ou TPE industrielles, déjà fragiles, ont été
emportés par ces intempéries. «
Quand il
s’agit de mobiliser des entrepreneurs avant
une crue, les professionnels du courtage et de
l’assurance sont difficilement audibles
», dé-
plore Christophe Delcamp. «
Depuis juin, ils
ne le sont plus. On peut leur réexpliquer l’in-
térêt des couvertures de pertes d’exploitation,
puisqu’elles ne sont pas automatiquement
couvertes par les garanties Cat’Nat. Il faut avoir
souscrit la garantie perte d’exploitation pour
qu’en cas de Cat’Nat, elle puisse également
agir. Rappelons que la moitié des entreprises
françaises (toutes tailles confondues) n’a pas
souscrit ce type de garantie. Nous avons ef-
fectué un formidable effort de pédagogie avec
guides et fiches pratiques, en ligne sur le site
de la FFA. Il faut que notre communauté du
risque, dont l’AMRAE dans son action vers les
PME, et les organisations professionnelles s’en
emparent.
»
DES YEUX DESSILLÉS,
UNE AUDIBILITÉ NOUVELLE
«
L’intérêt des inondations de juin, si l’on peut
parler d’intérêt, est d’avoir sensibilisé les chefs
d’entreprise et leurs syndicats professionnels
»,
souligne l’assureur. «
Les Risk Managers ne sont
plus regardés comme des Cassandre par leurs di-
rigeants au vu du réel à leur porte. L’ensemble
des décideurs est un peu plus ouvert à la prépa-
ration de nouveaux événements climatiques.
»
«
C’est quasi comme une courbe de deuil
»,
indique pour sa part Benoît Vraie. «
Les diri-
geants n’y croient pas, vont chercher de leur cô-
té des informations, puis se rapprochent de leur
Risk Manager ou faisant office de Risk Manager
en manifestant leur inquiétude. Vient ensuite
la période de stabilisation qui permet alors de
travailler. Finalement, très peu d’entreprises
ont déclenché leur PCA, mais elles ont eu peur.
»
CHANGER DE MODÈLE
Au-delà de leur propre vulnérabilité, les entre-
prises doivent se préoccuper de la capacité de
leurs partenaires ou de leurs prestataires cri-
tiques à répondre à leurs obligations de service
en cas de sinistre majeur. La défaillance de l’un
d’entre eux affecte de fait le fonctionnement
de l’entreprise. Nombre d’entreprises pos-
sèdent des plateaux de collaborateurs à l’ouest
et au sud de la capitale et des data centers à
l’est et au nord de Paris. Dans ce cas de figure,
l’immeuble de bureau et le data center sont
reliés par un réseau informatique (qui peut
transporter des data et/ou de la «voix»). Or,
nous savons que ces câbles et fibres «courent»
dans les tunnels de la RATP/SNCF et les égouts
de Paris. Dans le premier cas, la SNCF a prévenu
qu’elle ennoierait volontairement aux premiers
jours de la crise certains de ces tunnels pour
éviter que la pression de l’eau n’endommage
les infrastructures. Dans le second cas, l’en-
semble des égouts de Paris sera complétement
inondé. Même si les câbles sont étanches, il est
fort prévisible que certaines parties desdits
dispositifs de communication présenteront des
vulnérabilités (épissures, répéteurs…) sources
de dysfonctionnements plus ou moins im-
portants. Même si l’immeuble de bureau et le
data center sont hors de la zone d’inondation
géographique de la Seine, il est possible que
l’entreprise s’en trouve fortement affectée.
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°10 I
SEPTEMBRE 2016
38
MÉTIER RISK MANAGER
RETOUR D'EXPÉRIENCE