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L

e fait est que les entreprises cotées n’ont aujour­

d’hui plus le choix : la présentation de leurs

risques, dans différents documents de commu-

nication externe, est devenue obligatoire

(voir

p.19). Une obligation légale de transparence

qui répond à un objectif simple, «

permettre aux utilisa-

teurs des comptes de disposer facilement des principales

clés de lecture pour comprendre la situation financière

et la performance de l’entreprise

» (AMF). Le document

de référence (DDR) – ou le rapport financier - doit ainsi

inclure une partie dite « Facteurs de risque » présentant,

en théorie du moins, les principaux sujets qui peuvent

affecter l’entreprise. Le contrôle des risques trouve lui

sa place dans le Rapport du conseil. Il convient de noter

toutefois que les « recommandations » de l’Autorité des

marchés financiers (AMF) ne sont pas impératives. «

Si

une entreprise ne les suit pas, elle n’a à redouter ni sanc-

tion, ni pénalités financières. Au pire, elle risque de rece-

voir un courrier

» souligne Lionel d’Harcourt, Associé

co-fondateur d’Arengi, une société de conseil spécia-

lisée dans la gestion du risque. Par ailleurs, les attentes

de l’Autorité portent essentiellement sur la forme.

«

Dès lors que le document de référence comprend bien

une partie ‘Facteurs de risque’, l’Autorité semble pour le

moment s’en contenter... même si cette partie n’apporte

pas grand-chose sur le fond

» explique un professionnel.

QUALITÉ, PAS QUANTITÉ

Et, de fait, sur le terrain, on constate que la plupart des

entreprises semblent se conformer à la demande des

autorités. Mais, la qualité de l’information prodiguée

varie fortement d’un groupe à l’autre. Côté volume :

pas de soucis. Certains dénoncent même l’« inflation»

des informations données en annexes, en matière de

risques comme dans les autres domaines. «

La descrip-

tion des facteurs de risque est passée de 5-10 pages, en

moyenne, il y a quinze ans à 20-25 pages aujourd’hui

pour certaines entreprises

» souligne ainsi Philippe

Kubisa, Associé PwC spécialiste de la communication

financière. Outre les aspects réglementaires, les entre-

prises trouvent en effet des avantages à parler de leurs

risques. «

Il y a eu ces dernières années une vraie prise de

conscience : toutes les entreprises évoluent dans un envi-

ronnement de plus en plus exigeant, car conscient de la

complexité des risques. Une communication efficace sur

la gestion des risques renforce la prévisibilité des résul-

tats vis-à-vis des marchés, et la confiance durable des

clients. Elle contribue aussi à l’optimisation de la perfor-

mance technique et opérationnelle des organisations...

»

estime Jean-Philippe Riehl, Consultant spécialisé dans

le domaine des risques. La littérature sur les risques

constitue également une protection juridique, pour les

dirigeants. «

Les entreprises sont d’autant plus prêtes à

parler de leurs risques que cela constitue pour elles un

moyen de se protéger : en cas de crise, on ne pourra pas

leur reprocher d’être passées à côté d’un risque impor-

tant

» estime Philippe Kubisa.

Mais le problème est que cette quantité de l’informa-

tion sur les risques n’est en rien gage de qualité. «

Les

véritables risques de l’entreprise sont noyés dans un cata-

logue complet, né d’une approche juridique et protec-

trice. Les entreprises ont tellement peur d’avoir omis

un risque qu’elles les donnent tous

» estime Philippe

Kubisa. Le résultat ? Certains présentent aujourd’hui

de véritables ‘catalogues à la Prévert’ de leurs risques.

Une étude réalisée en 2012 par PwC révélait ainsi que

certains groupes du CAC 40 allaient jusqu’à présenter

plus de 40 risques (cf encadré p.19 - Les grandes

entreprises présentent enmoyenne 16 risques). Second

problème, rares sont les groupes qui hiérarchisent

ces risques : au mieux, on retrouve des classements

par types de risques, avec le volet ‘opérationnel’ en

première ligne. Certains dénoncent par ailleurs l’uni-

formisation de la présentation des risques : à comparer

les documents, on peut soupçonner le ‘copier-coller’

de certains paragraphes. Un clonage dans lequel l’AMF

porte probablement sa part de responsabilités, puisque

ses recommandations vont jusqu’à suggérer des formu-

lations. Par exemple ? «

La société a procédé à une revue

des risques qui pourraient avoir un effet défavorable

significatif sur son activité, sa situation financière ou

ENTRE LA TRANSPARENCE

ET LA PRUDENCE

«

Merci pour votre aimable proposition. Malheureusement, après consultation des différentes

parties prenantes, il est apparu que nous ne souhaitons pas communiquer sur notre communication

sur les risques

». Émanant d’un groupe important, membre du CAC 40, cette fin de non-recevoir

est bien révélatrice de l’embarras actuel des entreprises françaises, qu’elles soient grandes ou

plus petites, en matière de communication sur leurs risques. «

Moins j’en dis, mieux je me porte

»

résume ainsi le responsable des risques et de l’audit interne d’une structure de moindre taille.

Lionel d’Harcourt,

Associé co-fondateur

d’Arengi

Philippe Kubisa,

Associé PwC spécialiste

de la communication

financière

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE

I N°3 I

JANVIER 2015

16

DOSSIER

COMMUNICATION SUR LES RISQUES