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VEILLE ET POSITION

garantie biennale de bon fonctionnement prévue à l'article 1792-3 du

Code civil doit être retenue lorsque l'élément d'équipement dissociable

a été installé lors de la construction d'un ouvrage, tandis que seule la

responsabilité contractuelle de droit commun s'applique lorsqu'un tel

équipement dissociable a été adjoint à un ouvrage déjà existant

».

Par ailleurs, la Cour considérait que lorsque l’installation de l’équipe-

ment concerné était susceptible de constituer en elle-même un ouvrage,

seule l’impropriété à destination de cet ouvrage devait être appréciée

pour la mise en jeu de la responsabilité décennale, indépendamment de

celle de l’ouvrage existant pris en son ensemble (Cass. Civ. 3e, 26 janv.

2000, n° 98-13.423 - Cass. Civ. 3e, 18 juin 2008, n° 07-12.977).

Dans une espèce récente, la Cour avait spécifiquement, pour motiver

la cassation de l’arrêt entrepris, énoncé : «

Qu'en statuant ainsi, alors

que l'installation d'un système de climatisation par pompe à chaleur

immergée au fond d'un puits en contact avec la nappe phréatique sur un

ouvrage existant constitue un ouvrage dont l'impropriété à destination

s'apprécie indépendamment de l'immeuble pris dans son ensemble, la

cour d'appel a violé les textes susvisés

» (Cass. Civ. 3e,24 sept. 2014,

n° 13-19.615).

L’EXTENSION DES GARANTIES LÉGALES À TOUS

LES TRAVAUX D’INSTALLATION D’ÉQUIPEMENTS

L’arrêt du 15 juin 2017 bat ces deux principes en brèche. Tout d’abord,

tous travaux d’installation d’éléments d’équipement, dissociables ou

non, même s’ils ne constituent pas un ouvrage distinct de l’ouvrage

existant, sont désormais susceptibles de mettre en jeu les garanties

légales.

Ensuite, l’impropriété à destination ne s’apprécie plus au regard du

seul ouvrage éventuellement constitué par l’élément d’équipement

adjoint à l’ouvrage existant, mais par rapport à l’immeuble dans son

ensemble.

Sur ce deuxième point, la position de la Cour semble particulièrement

critiquable, dès lors que les dispositions de l’article 1792 du Code civil

n’envisagent à l’évidence l’impropriété à destination qu’au regard de

l’ouvrage nouveau construit. Il conviendra en tout état de cause de

vérifier si la Cour entend désormais faire de sa nouvelle interpréta-

tion le critère unique d’appréciation de la mise en jeu des garanties

légales : en d’autres termes, lorsque l’élément d’équipement installé

constitue par lui-même un ouvrage, sa seule impropriété à destina-

tion suffira-t-elle à le rendre éligible à la garantie décennale, ou le

maître devra-t-il justifier à chaque fois de l’impropriété à destination

de l’ensemble de l’immeuble existant ?

UNE INCIDENCE MANIFESTE SUR LES GARANTIES

D’ASSURANCES DES INTERVENANTS À L’ACTE DE CONSTRUIRE

Par ailleurs, la décision de la Cour est susceptible d’avoir une inci-

dence manifeste sur le champ d’application des garanties d’assu-

rances des intervenants à l’acte de construire. En effet, dès lors que

tous travaux d’installation d’un élément d’équipement, dissociable

ou non, même s’il ne constitue pas un ouvrage distinct de l’ouvrage

existant, sont désormais susceptibles de relever de la responsabilité

décennale, il conviendra naturellement que la responsabilité décen-

nale des entreprises réalisant ces travaux, comme du promoteur ou

du vendeur en l’état futur d’achèvement ou de rénovation qui les

feraient réaliser, soient dûment assurée à cet effet, en respect des

dispositions des articles L.241-1 et L.241-2 du Code des assurances.

Et le maître d’ouvrage, le vendeur ou le mandataire devront égale-

ment souscrire une assurance dommages-ouvrage dès lors qu’ils

feront réaliser de tels travaux, en application des dispositions de

l’article L.242-1 du même code.

En l’état, la Cour de cassation, qui vient de confirmer cette solution

le 14 septembre dernier par un second arrêt également destiné à la

publication et au rapport (Cass. Civ. 3

ème

, 14 sept.2017, n°16-17.323,

FS+P+B+R+I), semble vouloir affirmer sa position normative.

Cette jurisprudence pose donc nécessairement la question de la

prise en charge des conséquences des sinistres relevant des travaux

effectués dans les dix dernières années, dont les assureurs de

responsabilité décennale des entreprises les ayant réalisés, lors-

qu’ils garantissent leurs assurés par polices à abonnement annuel,

risquent de se voir recherchés pour des désordres qui n’étaient pas

susceptibles d’être garantis au jour de la souscription.

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°14 I

AUTOMNE 2017

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