VEILLE ET POSITION
D
ans une affaire où une pompe à chaleur
air-eau installée sur un ouvrage existant
présentait des dysfonctionnements, la
troisième chambre de la Cour de cassa-
tion, par arrêt du 15 juin 2017, a cassé
l’arrêt entrepris, qui avait écarté l’application de
la garantie décennale, au motif «
qu’en statuant
ainsi, alors que les désordres affectant des éléments
d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou
installés sur existant, relèvent de la responsabilité
décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son
ensemble impropre à sa destination, la cour d’appel
a violé le texte susvisé
» (Cass. Civ. 3e, 15 juin 2017,
n° 16-19.640 FS+B+R+I).
Cette décision, destinée à la publication au Bulletin,
confirme un important revirement, amorcé par un
arrêt du 4 mai 2016 déjà rendu dans des termes
similaires à propos de l’installation d’une pompe
à chaleur sur un ouvrage existant (Cass. Civ. 3e,
4 mai 2016, n° 15-15.441), et dont les consé-
quences semblent loin d’être négligeables, tant en
termes de responsabilité que d’assurance.
LES PRINCIPES DU CHAMP D’APPLICATION
DES GARANTIES LÉGALES
L’article 1792 du Code civil dispose que «
tout construc-
teur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers
le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages,
même résultant d'un vice du sol, qui compromettent
la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un
de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments
d'équipement, le rendent impropre à sa destination
».
L’article 1792-3 du même Code stipule que «
les autres
éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une
garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale
de deux ans à compter de sa réception
».
Il en résulte en principe que seul le constructeur
d’un ouvrage ou l’installateur d’un élément d’équi-
pement indissociable de l’ouvrage neuf construit
est assujetti à la garantie décennale, l’installateur
d’éléments d’équipement non inertes dissociables
de l’ouvrage neuf étant, lui, soumis à la garantie
biennale de bon fonctionnement, sauf lorsque ces
éléments dissociables rendent l'ouvrage dans son
ensemble impropre à sa destination.
Quant à l’installation d’équipements dissociables
dans un ouvrage existant, elle ne relevait jusqu’à
présent que de la responsabilité contractuelle de
droit commun. Dans un arrêt de principe du 10 dé-
cembre 2003 rendu à propos de l'installation dans
un existant d'une centrale de climatisation, et
confirmé depuis par une jurisprudence constante,
la Cour de cassation avait ainsi jugé que «
la garan-
tie de bon fonctionnement d'une durée de deux ans à
compter de la réception de l'ouvrage ne concernait pas
les éléments d'équipement dissociables seulement ad-
joints à un ouvrage existant
» (Cass. Civ. 3e, 10 déc.
2003, n° 02-12215 : Bull. civ. 2003, III, n° 224 ; RD
imm. 2004, p. 193, note Ph. Malinvaud).
Cet attendu était ainsi précisé lors de sa publication
au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation : «
La
GARANTIE DECENNALE OU BIENNALE
ET TRAVAUX SUR EXISTANTS ?
CONSTRUCTION :
UN SURPRENANT REVIREMENT
DE LA COUR DE CASSATION
La question du régime juridique applicable aux travaux sur existant ne cesse d’évoluer dans le sens
favorable à l’application des garanties légales. Ce mouvement jurisprudentiel pose des questions
en termes de responsabilité et de garantie assurantielle.
Patrick Meneghetti,
Avocat à la cour
Par Patrick Meneghetti
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°14 I
AUTOMNE 2017
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