À
l’instar de ce que connaissent les Risk Managers d’en-
treprise, les risques d’un film (avant, pendant et après
le tournage) sont multiples. Un film, sa production et sa
distribution forment dans une véritable entreprise une
chaîne de responsabilités à identifier et un ensemble d’in-
tervenants qui doivent interagir ensemble.
PRODUCTION, TOURNAGE ET DISTRIBUTION :
UN CASSE-TÊTE POUR LES ASSUREURS
Directrice du Département Média & Spectacles de Gras Savoye, Anne-
Sévérine Lucas l’affirme, «
assurer un film, c’est aussi faire une carto-
graphie des risques
». Pour cette professionnelle emblématique du 7
e
art, tout compte : bien sûr le dommage et l’assurance du matériel de
tournage, mais aussi et surtout la réduction des risques concernant
les acteurs, les techniciens et réalisateur… «
Lors du tournage de
Largo Winch, Tomer Sisley, l’acteur principal, a voulu faire lui-même ses
cascades, dont une chute libre depuis un hélicoptère
», illustre-t-elle.
Un surcoût évident pour la production, qui a dû travailler la scène
avec un cascadeur au préalable pour valider la démarche à suivre afin
d’éviter que l’acteur ne se blesse. Entre le chien de Belle et Sébastien
qu’il a fallu opérer, des tests allergéniques de teinture de robe (poils)
pour les chevaux dans Jappeloup, des
rushes
(images brutes) perdus,
ou une caméra onéreuse de haute technologie qui tombe à l’eau, la
courtière l’affirme : «
Il arrive que des assureurs cinéma perdent en deux
jours bien plus que ce qu’ils ont gagné en 15 ans. Le risque est important
dans ce milieu. La garantie de production est la plus importante
».
Clément Miserez, producteur et Président de Radar Films, en atteste,
lui qui a dû reconstruire un décor naturel en studio en raison de chutes
de neige non prévues… engendrant un surcoût d’un million de dollars.
Spécialiste des films animaliers, Jean-François Camillieri, Président de
Disney Studio France, ajoute que dans ce domaine, «
les productions ont
aussi parfois affaire à des risques politiques quand soudainement des
autorisations de tournage sont annulées et que l’on doit délocaliser d’ur-
gence une production
», avant de résumer : «
Il y a beaucoup d’irrationnel
dans le métier de production et de distribution, il faut prévoir et estimer
le succès d’un film sans savoir. Pour les producteurs, l’argent investi est
dehors, sans garantie de succès
».
LE RISQUE IMAGE PRÉPONDÉRANT
Autre risque spécifique du 7
e
art, celui lié à l’image et à la réputation.
Acteur et humoriste, François-Xavier Demaison explique que l’artiste
doit s’exposer : «
On n’est intéressant dans le métier d’acteur que si l’on
prend des risques
» lance celui qui a joué de nombreuses comédies, mais
aussi des films plus denses, comme ”
Coluche, l’histoire d’un mec
”.
Le risque de réputation compte dans le succès ou l’échec d’un film :
«
Il faut penser à garantir aussi les propos déplacés d’un acteur ou
d’un réalisateur qui peuvent nuire au film
» souligne Anne-Sévérine
Lucas. Parfois, le marketing réalisé autour d’un film, qui participe de
la construction de sa réputation et du bouche-à-oreille, peut capoter
en raison de facteurs totalement exogènes : «
Personne ou presque
n’a parlé du film L’affaire SK1 à partir du moment où il est sorti…
Puisque ce jour-là ont eu lieu les attentats contre Charlie Hebdo
» relève
Clément Miserez. Des événements préoccupants peuvent se produire,
qui occultent complètement la promotion d’un film et bloquent son
potentiel succès. François-Xavier Demaison conclut sur un autre risque
propre au cinéma : «
Des actrices m’ont brisé le cœur et Gras Savoye n’a
rien pu faire !
». Même là, Anne-Sévérine Lucas l’affirme en souriant :
«
On fera mieux la prochaine fois !
»
CINÉMA : LE 7
e
RISQUE
Clin d’œil à Cannes et au 7
e
art, le talk-show de clôture sur les risques dans l’industrie du spec-
tacle démontre par l’exemple que ces risques sont polymorphes et coûteux.
«Des actrices m’ont brisé le cœur
et Gras Savoye n’a rien pu faire ! »
François-Xavier Demaison, acteur et humoriste
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°4 I
AVRIL 2015
34
DOSSIER
RETOUR SUR LES RENCONTRES AMRAE 2015