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DOSSIER

LOI SAPIN 2 : LE RISK MANAGER, PIVOT ESSENTIEL D’UN PROJET DE LONGUE HALEINE

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°14 I

AUTOMNE 2017

18

«

Le chantier de la procédure d'évaluation des clients et fournisseurs

est très lourd. Il faut en effet insérer des clauses dans les contrats et

organiser des due diligence

» ajoute Sylvie Le Damany. «

Il convient de

disposer d’un outil de cartographie qui aide à constituer un dossier de

reporting dynamique tel que pourrait le demander l'Agence Française

Anticorruption, et qui permet de visualiser l'évolution dans le temps

des risques de corruption et des actions mises en œuvre. Avec cette

solution, un client peut également se débrouiller de manière auto-

nome, sans faire appel à des prestataires externes

» annonce Lionel

d'Harcourt.

ETI ET PME : LA DOUBLE PROBLÉMATIQUE

DES RESSOURCES ET DE LA CULTURE

Dans les sociétés en forte croissance, la prise de conscience du risque de

corruption n’est pas évidente dit en substance Lionel d'Harcourt avant

de poursuivre «

nombre d'entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse

les 500 millions mais restent en-deçà du seuil du milliard d'euros ont une

problématique de ressources pour mettre enœuvre la loi Sapin2. La confor-

mité n'est qu'un des sujets parmi d'autres que le directeur juridique doit

traiter, et il n'y a pas de responsable en charge de ce seul sujet au péri-

mètre pourtant très vaste

».

L’insuffisance de process ouvre évidemment le flanc aux risques. Selon

Jean Morera, «

parmi les entreprises de taille plus modeste, celles qui y

sont le plus exposées sont probablement les petites entreprises familiales,

dont généralement les pratiques sont peu formalisées

». Selon lui, la mise

en place de système d'alertes se heurtera aussi à des difficultés d'orga-

nisation dans les PME-PMI en raison de la grande proximité dans la

relation entre dirigeants et collaborateurs. Pourtant, rares sont les

entreprises qui n’entrent pas dans le champ de ce texte. Les PME, de

taille trop modeste pour être soumises à la loi Sapin 2, ne resteront

pas à l’écart. Leurs donneurs d’ordre soumis à ce texte sont en effet

tenus de mettre en place des procédures d’évaluation de leurs clients

et de leurs fournisseurs et intermédiaires.

«

Les PME-PMI et ETI pour lesquelles je travaille n'ont pas encore reçu de

demandes de leurs donneurs d'ordre qui soient directement liées à l’en-

trée en vigueur de la loi Sapin 2. Mais elles sont déjà impliquées sur ces

sujets. Dans le cadre de leur politique RSE, les grands groupes leur ont

en effet déjà soumis des chartes qui traitent de sujets liés à l’éthique

des affaires et aux achats responsables, la corruption en fait partie.

Par le contrôle qu’elles exercent, les grandes entreprises, entraînent

dans leur sillage les PME-PMI et ETI

» souligne Jean Morera. «

La loi

Sapin 2 renforce les actions que nous sommes déjà en train de mettre

en place dans le cadre des politiques RSE : code de conduite, carto-

graphie, système de contrôle interne... les exigences sont aussi plus

lourdes

» ajoute-t-il. 

ENTRETIEN AVEC BAPTISTE PÉCRIAUX,

Responsable du Programme Secteur privé -

Transparency International France

Quelle est l’opinion de Transparency France sur la loi Sapin 2 ?

Est-ce un bon texte ?

Transparency s’est donné pour mission de conduire les entreprises

à améliorer leurs pratiques. Nous voulons être un partenaire

exigeant, mais bienveillant. Dans cette optique, nous faisons

aussi beaucoup de lobbying auprès des pouvoirs publics et nous

avons donc été sollicités pour l’écriture de la loi Sapin 2. Nous en

avons logiquement une opinion globalement positive.

Transparency France juge qu’avec ce texte, la France, qui accu-

sait du retard en matière de lutte contre la corruption, se hisse

au niveau des meilleurs standards internationaux. Pour notre

pays, la possibilité de conclure une convention judiciaire d'intérêt

public est une bonne chose. La justice française était inefficace

en matière de lutte contre la corruption d’agents étrangers. Grâce

à l’extraterritorialité, elle a désormais les moyens d’infliger des

amendes aux entreprises pour des faits survenus à l’étranger.

Jusqu’ici, les groupes français condamnés pour corruption

l’avaient été par des autorités judiciaires étrangères, américaines

notamment. Il vaut pourtant mieux qu’une amende soit payée

en France plutôt qu’aux États-Unis. De plus, on évite aussi qu’un

moniteur étranger soit nommé alors qu’il peut aller partout dans

l’entreprise et obtenir toutes sortes d’informations, même confi-

dentielles. En condamnant l’entreprise en France, on rapatrie

l’amende, et les informations.

Avez-vous des réserves à émettre sur le texte ?

De notre point de vue, il se concentre sur l’activité des lobbyistes,

et ne se penche pas assez sur le rôle des décideurs publics. Il aurait

fallu statuer aussi sur la transparence de la prise de décision.

La loi Sapin 2 n’est-elle pas trop lourde et trop coûteuse à

mettre en place pour les PME et ETI qui y sont soumises ?

Il ne faut jamais négliger le principe de proportionnalité. Partant

de ce principe, je pense que toutes les entreprises peuvent accom-

plir le gros du travail sur leurs propresmoyens. L’analyse des risques

est un travail qui ne peut être que très bénéfique, mené par le Risk

Manager s’il y en a un, mais aussi par le direc-

teur juridique ou le directeur financier. Pour

conduire les entretiens au sein du groupe,

éventuellement à l’international, nul

besoin de faire appel à des prestations

coûteuses de conseil : un recrutement

temporaire peut suffire. Contrairement

à ce que peuvent laisser penser certains

prestataires, le système d’alerte éthique

ne nécessite pas non plus de mobiliser de

gros moyens. Il suffit d’une boîte mail

et d’un serveur sécurisés, accessibles

à deux personnes identifiées, et dont

la mise en place coûtera une centaine

d’euros chaque année. C’est d’ail-

leurs la solution à laquelle nous-

même recourons chez Transparency.

«Par le contrôle qu’elles

exercent, les grandes entre-

prises, entraînent dans leur

sillage les PME-PMI et ETI. »

Jean Morera, 5RM