DOSSIER
LOI SAPIN 2 : LE RISK MANAGER, PIVOT ESSENTIEL D’UN PROJET DE LONGUE HALEINE
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°14 I
AUTOMNE 2017
14
L
a loi du 9 décembre 2016 relative à la trans-
parence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique, dite loi
Sapin2, est entrée en vigueur le 1
er
juin dernier.
Depuis, les entreprises doivent prendre leurs
responsabilités et mettre enœuvre un dispositif interne
de lutte contre la corruption, en France et à l’étranger,
sous peine de sanctions de la nouvelle Agence Française
Anticorruption (AFA).
La France n’est pas exemplaire en la matière : l’indice
de perception de la corruption établi par l’association
Transparency International, qui fait référence, place en
2016 la France en 23
e
position, juste derrière l’Estonie,
largement derrière une majorité de pays européens.
La loi Sapin2 a donc pour objectif principal de forcer
les entreprises à améliorer leurs pratiques en matière
de prévention de la corruption. «
Celle-ci doit être vue
comme une opportunité pour les entreprises dans le
cadre notamment des procédures d'appels d'offres ou
de sa politique RSE. C’est d’ailleurs un point de passage
obligé dans de nombreux secteurs
» souligne Sylvie Le
Damany, Avocat Associée chez Fidal. La mise en place
d’un plan anticorruption est typiquement une respon-
sabilité qui incombe aux dirigeants. «
Ce texte s’inscrit
dans la même logique que le texte du 27 mars 2017 sur
le devoir de vigilance des sociétés mères, qui oblige à
mettre en place des plans de surveillance
» explique son
confrère Stéphane Choisez.
EXTRATERRITORIALITÉ
Nouveauté dans le droit français, la loi Sapin2 a des
conséquences au-delà des frontières : le risque de
corruption doit être évalué dans le groupe ou l’entre-
prise toute entière, au-delà du territoire national.
«
La loi Sapin 2 a introduit dans son volet anticorruption
la compétence extraterritoriale pour les faits de corrup-
tion et de trafic d’influence : la justice française pourra
poursuivre désormais les justiciables français pour des
faits de corruption commis à l'étranger. Le législateur
a procédé à des aménagements pour les infractions
de corruption et de trafic d’influence, actifs et passifs,
concernant, d’une part, les agents publics internatio-
naux ou d’un État étranger (délits incriminés par les
articles 435-1 à 435-4), et, d’autre part, les personnes
participant à l’activité juridictionnelle d’un État étranger
ou d’une cour internationale (délits incriminés par les
articles 435-7 à 435-10)
» précise Sylvie Le Damany.
Si cette loi introduit de nouvelles obligations pour les
entreprises, elle a créé également une nouvelle auto-
rité : l’Agence Française Anticorruption (AFA), pour s’as-
surer que ces obligations sont correctement remplies.
Installée par le Président de la République au prin-
temps dernier, elle est dirigée par Charles Duchaine, un
magistrat qui a longtemps œuvré pour la lutte contre le
blanchiment d’argent.
Stéphane Choisez,
Fondateur, Choisez Avocats
Sylvie Le Damany,
Avocat Associée, Fidal
INTERVIEW EXCLUSIVE DE CHARLES DUCHAINE
Directeur de l’Agence Française Anticorruption (AFA)
Quand l’Agence Française Anticorruption va-t-elle publier ses recommandations ?
Un premier jet de projets portant sur quatre des huit points de la loi Sapin 2 va être publié fin septembre,
dès que le site de l’Agence sera prêt. La consultation des entreprises sera ouverte dès cette date. La
publication de la seconde vague aura lieu en octobre et marquera l’ouverture d’un délai, probablement
de deux mois, à l’issue duquel cette consultation prendra fin. Tous ceux qui s’estiment concernés pour-
ront soumettre leurs contributions. Nous rencontrons aussi des organisations professionnelles et des
entreprises. À l’issue de la consultation, après avoir pris connaissance et éventuellement tenu compte
des propositions soumises, l’Agence publiera ses recommandations, en fin d’année au plus tard.
Dans ce contexte, qu’en est-il des contrôles que va réaliser l’AFA ?
L’Agence s’installe, et part d’une page blanche. Il va falloir tester les procédures et la manière de
travailler avec les entreprises. Il va falloir élaborer un Guide du contrôle pour les agents, une Charte
du contrôle pour les entreprises. Il y aura au début des visites et des contrôles « à blanc » pour roder
les méthodes. Les entreprises soumises aux lois anticorruption étrangères, qui ont des dispositifs
de plus longue date, pourraient être visitées pour améliorer nos connaissances et nos pratiques. La
qualité de nos contrôles sera une garantie sur la scène internationale. La loi Sapin 2 est aussi un texte
qui vise à protéger nos entreprises de sanctions étrangères.
EXCLUSIF