PORTRAIT
3 QUESTIONS À
Catherine Hamon,
Head of Corporate Insurance Department
De la cartographie des risques à l’assurance,
quelles méthodes et quels choix stratégiques ?
Notre cartographie des risques vise à recenser les
risques majeurs auxquels le Groupe est exposé.
Quand leur maîtrise est jugée insuffisante, le
Comité des Risques du Groupe demande un plan de traitement. Dans
notre mode de fonctionnement avec le client interne, si le risque est
assurable, nous intervenons et rapprochons alors l'assurance comme
instrument de transfert financier. Avec ce client interne et le Risk
Management, nous évaluons le coût des couvertures effectives propo-
sées par le marché de l'assurance. Notre décision de couvrir ou non un
risque par l'assurance au-delà des obligations légales et contractuelles
est financière (d’où notre rattachement à la Direction financière).
Pour un groupe industriel de notre taille, nous avons choisi de ne
couvrir que les risques d’intensité forte (par exemple : nous achetons
une capacité de 2,25 Mds € par sinistre pour couvrir les dommages et
pertes d'exploitation, notre franchise pour nos sites industriels est de
5 millions d'euros).
Mais la prévention est notre moteur principal : pour la plupart des
modèles de véhicules et d’organes, nous reposons sur une ou deux
usines. Avec nos assureurs, nous travaillons à réduire nos risques
techniques pour obtenir le label international «Risque Hautement
Protégé » délivré par les compagnies d’assurance.
Quels outils et prestataires ?
Nous opérons le plus souvent en placement direct auprès d’assureurs
à solvabilité financière reconnue pour des programmes à vocation
mondiale et travaillons avec leurs équipes grands comptes. Nous ne
faisons appel aux courtiers dans un rôle de placement que lorsque le
secteur d’assurance exige une connaissance très spécialisée, comme la
construction. Par contre, nous faisons appel à deux courtiers dans une
prestation de conseil.
Nous avons une captive de réassurance, (Motors Reinsurance Company
- MRC) au Luxembourg qui sert à amortir les à-coups du marché liés
à des événements externes, même ne nous concernant pas (par
exemple : l’ouragan Katrina) ou un événement exceptionnel subi qui
dégrade auprès des assureurs la perception de notre risque.
Quelle organisation ?
Mon équipe compte cinq personnes et s’appuie sur un réseau de
correspondants, à temps plein ou partiel selon la nature des besoins,
dans toutes les entités du Groupe. Tous sont rattachés à la Direction
financière locale.
PARMI LES CAPACITÉS ET LIMITES
En complément des garanties élevées déjà mentionnées
couvrant les dommages et pertes d'exploitation, le Groupe
achète en responsabilité civile une capacité de 260 M€ pour la
RC générale et a souscrit une couverture spécifique de 30 M€
pour les atteintes à l'environnement.
La captive MRC est un acteur important du dispositif d'assurance ;
elle intervient par exemple jusqu'à 15 M€ par événement avec
un engagement annuel de 25 M€ sur le programme transport et
le stockage de véhicules sur parc.
équilibres sur ce que l’on va choisir de couvrir ou non
». L’auto-
assurance reste maîtresse
via
des échanges quotidiens avec la
fonction finances, la Direction des assurances étant géographi-
quement très proche de celle de Gérard Payen. Côté SIGR et parce
que la matière risque est extrêmement mouvante, qualifiée même
de «
science molle voire très molle
» par le Risk Manager, un outil
maison est utilisé. «
Il ne doit pas devenir une contrainte, voire pire
nous faire prendre de mauvaises décisions. L’outil doit être au service
de la cause
». Prendre son temps en la matière est capital pour le
Groupe.
IRRIGUER LA CULTURE RISQUES EN INTERNE
La Direction de Gérard Payen a engagé un renforcement de la
formation à la culture du risque au sein du Groupe pour, selon
lui, «
irriguer davantage l’entreprise à l’échelle mondiale et faire de
chaque collaborateur un acteur proactif de la maîtrise des risques
».
Avec une centaine d’implantations dans le monde, le travail est
colossal. La gouvernance Risques s’appuie quant à elle, sur des
comités des risques par fonctions (exemple : informatique), un
comité des risques et du contrôle interne du Groupe, présidé par
la Directrice déléguée à la Présidence, membre du Comité Exécutif
du Groupe, et un comité d’audit des risques et de l’éthique du
Conseil d’administration, qui s’est réuni cinq fois en 2016. «
Tout
le dispositif a un certain degré de souplesse pour anticiper un comi-
té en cas de besoin. Anticipation et réactivité se conjuguent au
quotidien
», précise le Directeur des risques.
La culture se diffuse également grâce à des profils peu convention-
nels au sein de la Direction des risques. L’un des Risk Managers est
un ancien journaliste de Radio France Internationale, un autre
est géophysicien avec un parcours commerce et informatique.
«
Au-delà du parcours, c’est l’attitude face au monde qui nous
entoure qui est importante ainsi qu’une connaissance opération-
nelle du fonctionnement de l’entreprise et une bonne compréhen-
sion de ses grands enjeux
», poursuit-il.
C’est donc assez naturellement que les conseils qu’il formule à
la fois à ses homologues et aux jeunes diplômés sont «
l’humilité
et une exigence de lucidité collective pour ne pas craindre ce que
l’on va trouver
». Et de conclure : «
Chez Renault nous souhaitons
la bienvenue aux risques et au questionnement disruptif apporté
par la jeune génération, pour avoir cet équilibre sain entre l’héri-
tage d’un côté et l’avenir qui n’est écrit nulle part de l’autre
».
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°14 I
AUTOMNE 2017
9