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DOSSIER

LOI SAPIN 2 : LE RISK MANAGER, PIVOT ESSENTIEL D’UN PROJET DE LONGUE HALEINE

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE

I N°14 I

AUTOMNE 2017

15

Lionel d’Harcourt,

Associé chez Arengi

PÉDAGOGIE ET/OU SANCTION

Cette autorité qui va compter 70 agents oc-

cupe un double rôle : le conseil aux entre-

prises et aux administrations et le contrôle.

«

L’Agence Française Anticorruption est dotée à

la fois d'une vocation éducative et d'un pouvoir

de contrôle et de sanction. Son directeur a une

expérience de juge d'instruction, c'est donc un

homme de dossiers. Tout ceci dans un contexte

où les décrets ne sont pas tous parus, mais où la

loi est entrée en vigueur le 1

er

juin dernier. Cela

suscite donc beaucoup de questions et cela crée

un certain trouble

» estime Lionel d’Harcourt,

Associé chez Arengi.

«

Une entreprise en France qui ne met pas en

place le programme exigé à l’article 17 de la

loi Sapin2 ne commet pas un délit mais une

faute, qui pourra être sanctionnée par l'Agence

Française Anticorruption d'une amende pou-

vant aller jusqu’à 200 000 euros pour les diri-

geants personnes physiques et 1 million d’euros

pour les personnes morales

» précise Sylvie Le

Damany. «

Nous commençons à avoir un bon

recul avec certains de nos clients sur la construc-

tion et la mise en place du programme requis. Le

texte français s’avère plus contraignant que le

«UK Bribery Act» mais les sanctions sont moins

lourdes en cas de non-conformité. La loi an-

glaise laisse en effet plus de liberté pour mettre

en place le programme anticorruption mais l’ab-

sence de mise en place d’un programme efficace

est un délit sanctionné pénalement. En France,

la sanction est une amende de nature adminis-

trative prononcée par l’AFA

» ajoute-t-elle.

«L’Agence Française Anticorruption est dotée à la fois d'une

vocation éducative et d'un pouvoir de contrôle et de sanction.

Son directeur a une expérience de juge d'instruction, c'est donc

un homme de dossiers. Tout ceci dans un contexte où les décrets

ne sont pas tous parus, mais où la loi est entrée en vigueur

le 1

er

juin dernier. Cela suscite donc beaucoup de questions

et cela crée un certain trouble. »

Lionel d’Harcourt, Associé chez Arengi

Comment se passera un contrôle ?

Il y aura des vérifications sur pièces avant des visites sur place.

Une entreprise contrôlée soumettra des documents, notamment

sa cartographie des risques. Ensuite, une équipe de contrôle se

rendra dans l’entreprise pour vérifier la qualité du dispositif mis

en place.

De quellemanière les entreprises contrôlées seront-elles choisies ?

Il faut d’abord déterminer précisément les entreprises assujetties à

la loi, car l’obtention des données de chiffre d’affaires et de nombre

de salariés pose un problème de secret statistique et fiscal. Notre

idée serait d’inviter les entreprises à se déclarer auprès de l’AFA, à

l’aide d’un formulaire type, elles pourraient à cette occasion dési-

gner un correspondant AFA à qui demander un dossier.

Comment concrètement seront modulées les exigences en fonction

de la taille de l’entreprise ?

Le législateur entend contrôler les entreprises d’une certaine taille.

L’AFA n’est pas là pour définir les moyens à mettre en œuvre par l’en-

treprise et se substituer ainsi au dirigeant. Nos contrôles viseront à

vérifier que des moyens ont bien été alloués à la mise en place d’un

mécanisme de prévention, et que celui-ci remplit ses objectifs.

Que pensez-vous des différents guides de mise en œuvre de la loi

Sapin 2 ?

Nous ne pouvons qu’encourager ce type d’initiatives qui peuvent

aider les entreprises, notamment celles de taille plus modeste, et leur

permettre ne pas être prises en otage par des prestataires externes

qui leur proposeraient des «usines à gaz». S’il n’est pas question que

nous labellisions un quelconque guide, nous signalerons à leurs

auteurs ce qui pourrait nous gêner dans ce type de document.

Est-ce que vous avez le sentiment que les dirigeants sont bien

sensibilisés à l’importance de cette loi ?

Pour l’instant, leur sensibilisation est sans doute moindre que celle

des personnes spécifiquement en charge de la conformité dans les

entreprises. Dans l’entreprise, et c’est bien normal, tout est analysé

en termes de risques et de profit, et le risque n’est pas encore caracté-

risé puisque notre Agence n’a pas encore agi. Certains ont conscience

qu’il faut appliquer cette loi, notamment au sein des entreprises inter-

nationales. D’autres pensent au contraire qu’elles peuvent continuer à

travailler comme auparavant. Je suis convaincu que de nombreux diri-

geants vont attendre de voir comment agit l’AFA pour se positionner.

S’il y a des contrôles et des sanctions face aux manquements, la prise

de conscience s‘étendra j’en suis sûr à tous les dirigeants.