DOSSIER
LE RISK MANAGER AU DÉFI DES NOUVELLES PRISES DE RISQUES
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°12 I
MARS 2017
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Kadidja Sinz,
Directrice générale
Europe de Liberty
Special Markets
C'est donc dans un contexte mondial bouleversé et
bouleversant que les entreprises doivent aujourd’hui
interroger leur business model. Revisiter leur stratégie,
ausculter celle de leurs concurrents, placer plus encore
les attentes exprimées ou latentes de leurs clients, et
soupeser les risques à l’aune des modèles existants ou
adapter. Une réflexion globale dans laquelle, comme
le rappelait Brigitte Bouquot, le Risk Manager joue un
rôle central. Pour reprendre les termes de Jean-Marie
Messier, «
le monde qui nous attend sera prodigieux à
la condition que l'on arrive à appréhender, gérer et
maîtriser des risques, plus rapides et plus nombreux
».
Et c'est ainsi «
avec assurance
» que l'entreprise et ses
dirigeants pourront assumer les nouvelles prises de
risque de leur choix stratégique. Rappelant, en clôtu-
rées Rencontres, la célèbre citation du Président améri-
cain Franklin D. Roosevelt, «
le risque principal, c'est
la peur
», la Présidente de l'AMRAE a proposé à tous
«
d'éviter la peur et d'avancer
» vers le monde du futur.
LES RISQUES POLITIQUES S’INVITENT
DONC À L’INTÉRIEUR DE NOS FRONTIÈRES
Partout dans le monde, la confiance dans l’avenir est
fragilisée par des risques devenus systémiques, dont la
remise en cause de l’Europe n’est pas le moindre. Pour
Bernard Spitz, Président de la Fédération Française
de l’Assurance et Président international & Europe
du MEDEF, l’Europe est en effet «
dans un moment
de faiblesse et de fragilité extrême, avec une absence
de leadership à Bruxelles, de nombreux pays en phase
électorale et face à elle, l’émergence de leaders comme
Trump, Erdogan, Poutine…
».
À ce titre, le Brexit, décidé par référendum le 23 juin
2016, constitue une instabilité nouvelle que personne
ou presque n’avait su prédire.
Le 1
er
février dernier, alors que les Rencontres battaient
leur plein, le Parlement de Westminster a validé la
première étape de l'examen du projet de loi visant à
autoriser le Premier Ministre Theresa May à lancer les
négociations de sortie de l'Union Européenne. Lors
d’un atelier consacré au sujet, les intervenants se sont
intéressés aux conséquences pour les assureurs de ce
« divorce », après 44 ans de vie commune. «
Nous avons
beaucoup de questions et peu de réponses. Deux incer-
titudes dominent : d’un côté, sur les conditions d’accès
des assureurs britanniques au marché européen et, de
l’autre, sur l’évolution de la législation britannique, qui
pourrait s’affranchir entièrement du cadre réglementaire
européen pour rendre le pays plus compétitif
», résume
Guy Soussan, avocat à Bruxelles, qui se table sur la
signature d’un accord de sortie de l’UE avant le 1
er
janvier 2019, date des élections parlementaires euro-
péennes. Et de préciser : «
On s’oriente vers un accord
de libre-échange. Le Royaume-Uni redeviendra un pays
tiers, sans accès au passeport européen
».
Dans leur ensemble, les intervenants se disent confiants
dans la capacité des assureurs britanniques à réagir.
«
Depuis que l’on sait que l’on se dirige vers un “hard-
Brexit”, les incertitudes sont moindres. Les assureurs
britanniques vont installer des filiales dans l’un des états
membres de l’UE pour pouvoir opérer en Libre Prestation
de Services, ce qui occasionnera des mouvements impor-
tants de personnel. Les taxes, la stabilité juridique et
l’accès aux talents font partie des critères de choix : l’Ir-
lande, le Luxembourg, Malte, la France, l’Allemagne, l’Es-
pagne sont ainsi les plus plébiscités
» a estimé Kadidja
Sinz, Directrice générale Europe de Liberty Special
Markets. «
Pour que les garanties souscrites soient
maintenues dans leur continuité, les acteurs du London
Market vont demander aux autorités britanniques de
rester sous la régulation de Solva 2. Nous espérons que
les accords prendront la forme d’un ”mutual access”,
un accès mutuel aux marchés. C’est dans leur intérêt
et dans le nôtre, tout le monde travaille dans ce sens
depuis juin 2016
» estime Nicolas Aubert, Directeur du
London Market Group, qui rappelle que 8 milliards de
dollars sont exportés chaque année par le marché de
LE RISQUE DIPLOMATIQUE EST
DEVENU SYSTÉMIQUE
Pour Jacques Audibert, Conseiller diplomatique
du Président de la République, «
nous sommes
en perpétuel arbitrage entre nos intérêts écono-
miques et nos valeurs. La France a une vraie voix
sur la scène mondiale et son principal atout est
son agilité : nous pouvons prendre des décisions
en une demi-journée. Les sanctions que nous
imposons à certains Etats peuvent vous gêner
dans vos pratiques de gestion des risques, mais
elles ne sont pas irréversibles et s’accompagnent
toujours d’un processus d’accompagnement
pour tenter de les lever. Concernant la situation
aux États-Unis, il va nous falloir du temps pour
comprendre la façon dont les rapports de force
vont s’installer au sein de la nouvelle adminis-
tration Trump, mais je suis en relation régulière
avec mon homologue américain et le dialogue
est réel
».
Jacques Audibert,
Conseiller diplomatique
du Président
de la République
Emmanuelle
Biehler-Marghieri,
Directeur du Département
Risques Politiques &
Financiers à l’International
chez SIACI Saint Honoré