DOSSIER
LE RISK MANAGER AU DÉFI DES NOUVELLES PRISES DE RISQUES
l’exemple de la réglementation des assureurs « Solvabilité 2 », Bernard
Spitz a ainsi rappelé que sa mise en œuvre avait commencé il y a 15
ans, bien avant la crise des subprimes, à une époque qui n’avait rien à
voir avec le paysage actuel. «
L’espoir est que la réglementation se trans-
forme en régulation, qui rassemble à l’inverse toutes les libertés qu’on se
donne pour justement sortir de ce carcan
».
L’idée est donc de réguler mieux, ou autrement. Car «
l’accumulation
de réglementations produit un effet politique qui est le rejet par les
citoyens des institutions. Une des raisons qui a fait le désenchante-
ment de Bruxelles et qui encourage le populisme, est le sentiment de
se heurter à un mur de règles déconnectées du monde réel
», continue
Bernard Spitz.
Si la Commission Européenne commence à en prendre conscience,
la mise en œuvre reste difficile. Pour autant, l’autorégulation prati-
quée par défaut par les entreprises elles-mêmes n’a pas donné que
des résultats satisfaisants et, en tout état de cause, ne suffira pas.
Alors, faut-il aller vers de la dérégulation ? Pour Ludovic Subran, «
ce
n’est pas le moment de faire de la dérégulation à tout va comme le
pense Donald Trump, l’afflux de liquidités risquant à terme de recréer
des bulles. Le problème, c’est que la régulation a toujours un temps de
retard et qu’elle attend les crises pour réagir. Il y a donc de la place pour
une forme d’ubérisation de la régulation
».
Pour Agnès Touraine, Présidente de l’Institut Français des Admini
strateurs, «
l’économie ne se régule pas naturellement au mieux, et
la régulation est donc une nécessité. C‘est même un avantage compé-
titif pour la France et ses entreprises d’avoir une gouvernance de haut
niveau, reconnue au niveau international. Pour autant, cette dernière
ne doit pas être uniquement au service de la compliance, mais aussi
de la compétitivité. Sans confiance, les régulations sont inefficaces
»,
explique-t-elle. Jean-Marie Messier estime lui que « l
’avenir est à la
méta-régulation : les entreprises auront un rôle de plus en plus efficace à
jouer face aux régulateurs centraux pour imposer les bons usages
».
Invitée à conclure ces 25
e
Rencontres, Laurence Parisot, Présidente du
MEDEF de 2005 à 2013, a finalement mis en garde l’assemblée sur la
multiplication des territoires de haines (terrorisme, protectionnisme,
défiance face à l’administration…), qui sont basés sur la peur et
constituent autant de facteurs d’imprévisibilité et de dangers pour les
Risk Managers. «
La seule chose dont nous devons avoir peur est la peur
elle-même
», a confirmé Brigitte Bouquot, citant Franklin D.Roosevelt :
c’est la feuille de route pour les 25 années à venir !
«
La globalisation de l’économie pousse les entreprises européennes à aller
chercher des relais de croissance et de compétitivité dans des pays éloignés,
étirant les supply chains et faisant apparaître de nouveaux risques pour
l’entreprise, notamment les risques pays liés aux conditions sanitaires,
LAURENCE PARISOT,
PRÉSIDENTE DU MEDEF (2005-2013)
«
Jamais nous n’avons été confrontés à une telle
combinaison de risques. La disruption est devenue
la norme. Le champ des aventures entrepreneuriales
n’a jamais été aussi gigantesque. Mais aussi un monde
avec de nouveaux risques et de nouveaux facteurs
d’imprévisibilité : le terrorisme, l’attitude de Donald
Trump vis-à-vis de l’Europe ou encore le populisme.
Les Risk Managers doivent en tenir compte. Comment
déjouer les tragédies potentielles ? Il faut renouer
avec l’ouverture et le dialogue, le respect et la
bienveillance, qui passent par une maîtrise de
la langue. Les entreprises doivent mettre en
œuvre une éthique conduite par l’énonciation
de valeurs et leur déclinaison. Cette éthique
doit être l’outil de pilotage de la pensée
stratégique du conseil d’administration.
»
« L’éthique
doit être l’outil
de pilotage de la pensée
stratégique du conseil
d’administration. »
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°12 I
MARS 2017
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«Ce n’est pas le moment de faire de
la dérégulation à tout va comme le pense
Donald Trump, l’afflux de liquidités
risquant à terme de recréer des bulles. »
Ludovic Subran, Euler-Hermès