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L’action en responsabilité pour insuffisance d’actifs de

l’article L. 651-2 du Code de Commerce ouverte, en cas

de liquidation judiciaire, à l’encontre des dirigeants, a

connu deux développements récents. L’un émane d’une

décision du Conseil Constitutionnel statuant, le 26 sep-

tembre 2014, sur une question prioritaire de constitu-

tionnalité de l’article précité, l’autre du fait d’un arrêt de

la Cour de Cassation du 4 novembre 2014 concernant la

date de cessation des paiements.

Le Conseil Constitutionnel a jugé que la possibilité,

ouverte au Tribunal statuant sur cette action en res-

ponsabilité, d’exonérer totalement ou partiellement

le dirigeant, est conforme à la Constitution.

Si l’un des principes fondateurs de la responsabilité ci-

vile est la réparation intégrale du préjudice, le législa-

teur peut néanmoins y déroger. Le fondement de cette

dérogation réside, pour le Conseil Constitutionnel,

dans l’objectif d’intérêt général de favoriser la création

et le développement des entreprises.

Cette exonération de responsabilité, totale ou partielle,

relève également d’une exigence de proportionnalité

de la condamnation, tant par rapport à la gravité et au

nombre de fautes de gestion qu’au regard du patrimoine

des dirigeants. S’y ajoute la nécessaire prise en compte

de facteurs économiques pouvant conduire à la défail-

lance des entreprises, et des risques inhérents à leur

exploitation.

C’est une décision fort sage : s’il n’est pas toujours ai-

sé pour les dirigeants d’accepter la libre fixation par les

juges du montant d’une condamnation, la pratique dé-

montre la modération des tribunaux de commerce dans

l’usage de ce pouvoir, les sommes se situant en général

dans une fourchette de 10 à 30% du passif.

Intervenant également sur cette action en responsabilité,

l’arrêt de la Cour de Cassation du 4 novembre est un arrêt

de principe, marquant un revirement de jurisprudence.

L’archétype de la faute de gestion reprochée au dirigeant

est le défaut de déclaration de l’état de cessation des

paiements dans le délai légal de 45 jours. Il n’est guère

d’action qui n’allègue ce grief. C’est pourquoi cet arrêt

revêt une importance pratique considérable.

Dans cette action, la jurisprudence jugeait que le

Tribunal était libre de fixer la date de cessation des

paiements dès lors qu’il caractérisait, à la date retenue,

l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’ac-

tif disponible. Il pouvait même aller au-delà de la limite

légale de 18 mois applicable à l’action en report de la

date de cessation des paiements au titre des nullités de

la période suspecte.

Depuis l’arrêt du 4 novembre, le Tribunal ne pourra

retenir une date de cessation des paiements autre

que celle fixée dans le jugement d’ouverture de la

procédure ou bien résultant d’une action en report.

La première fissure apparut du fait de la loi du 26 juillet

2005, précisant, pour la sanction distincte d’interdiction

de gérer fondée sur l’absence de déclaration de la ces-

sation des paiements dans le délai légal, que la date ne

pouvait être que celle du jugement d’ouverture ou d’un

jugement de report.

Les dirigeants poursuivis faisant souvent l’objet de

doubles demandes –comblement de passif et interdiction

de gérer–, la question était donc de déterminer s’il fallait

retenir une conception unitaire de la date de cessation des

paiements.

C’est ce que vient de décider la Cour de Cassation. Il est

probable que cette solution sera appliquée aux autres

sanctions pour lesquelles la date de cessation des paie-

ments est importante.

Il s’agit d’une avancée significative dans l’intérêt des di-

rigeants, qui contraindra les mandataires judiciaires à

ouvrir un débat contradictoire, par une action en report.

Trop souvent, l’action en responsabilité pour insuffisance

d’actifs est introduite sur la base d’une expertise unila-

térale, les dirigeants sont rarement entendus, l’expert

fondant ses travaux sur l’examen des seules pièces comp-

tables, sans considérer le secteur d’activité ni les particu-

larités de l’entreprise.

Gageons que cette nouvelle jurisprudence assurera aux

dirigeants un débat approfondi et une défense effec-

tive. Sous réserve des termes et conditions de chaque

police, les couvertures d’assurance de responsabilité des

mandataires sociaux devraient permettre aux dirigeants

d’être assistés de leur propre expert et de contribuer ain-

si à des échanges de qualité.

RESPONSABILITÉ DES MANDATAIRES

SOCIAUX POUR INSUFFISANCE D’ACTIFS :

QUELLES NOUVEAUTÉS ?

Rémi Passemard,

Avocat Associé

Cabinet Bouckaert

Ormen Passemard – BOPS

www.bopslaw.com

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE

I N°4 I

AVRIL 2015

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