

L’
Assemblée Nationale a adopté, le 14 avril 2015,
en première lecture, le projet de loi soutenu
par le ministre de la Santé, qui prévoit l’intro-
duction d’une action de groupe en matière de
produits de santé, sur un modèle ressemblant à celui in-
troduit en matière de consommation et de concurrence.
Le Sénat devrait se prononcer prochainement sur ce
texte et, la procédure parlementaire accélérée ayant été
mise en kuvre la loi devrait "tre définitivement adop-
tée d¬ici la fin de l¬année s{rv
L’article 45 de ce projet de loi vise à introduire en
droit français une procédure d’action de groupe pour
la réparation des préjudices individuels résultant de
dommages corporels causés par des produits à fina-
lité sanitaire destinés à l'homme ou des produits à
finalité cosmétique.
Le champ d’application de la procédure envisagée par ce
projet de loi est relativement large, puisque l’action de
groupe en matière de produits de santé vise à permettre
aux usagers placés dans une «
situation identique ou
similaire
» d’obtenir la réparation de préjudices «
ayant
pour cause commune un manquement d’un producteur
ou d’un fournisseur [d’un des produits de santé visés à
l’article L.5311-1 du Code de la santé publique], ou d’un
prestataire utilisant l’un de ces produits, à leurs obliga-
tions légales ou contractuelles
».
En l’état des travaux parlementaires, la notion d’ «
usa-
gers du système de santé
reste spécialement poue
puisqu¬elle ne fait pas l¬obYet d¬une définition spécifique
dans le Code de la santé publique. Le recours à cette no-
tion générale, qui recouvre les usagers ayant affaire à
des opérateurs de santé publics comme privés, implique
donc la compétence concurrente des deux ordres de ju-
ridiction (administratif ou civil) en matière d’action de
groupe, selon les règles de répartition de droit commun.
De la même manière, le recours à la notion de «
produits
de santé
» est susceptible de poser des problèmes d’in-
terprétation dans les cas où ces derniers ne seraient pas
exclusivement distribués dans le cadre du système de
santé. En effet, sont actuellement susceptibles d’être
visés par une telle procédure d’action de groupe : les mé-
dicaments (en ce compris les matières premières à usage
pharmaceutique), les dispositifs médicaux, les produits
sanguins, mais également les produits cosmétiques etc.
Cette procédure pourra être initiée tant contre le pro-
ducteur, que le fournisseur et/ou le prestataire d’un des
produits de santé concernés. En pratique, s’agissant
d’un médicament, pourront donc être mis en cause tant
le laboratoire pharmaceutique fabricant, que le phar-
macien en assurant la commercialisation, ou que l’éta-
blissement ou le professionnel de santé l’utilisant.
En outre, l’assureur du/des professionnel(s) de santé
concerné(s) pourrait être attrait à la procédure.
Selon les r!gles de fond qui définissent les conditions
de leur responsabilité, les professionnels mis en cause
pourront être recherchés à raison d’un «
manquement
»
leur étant imputable, cette notion renvoyant à celles
de faute, mais également de défectuosité du produit
au sens des articles 1386-1 et suivants du Code civil ou
d’utilisation fautive même s’il n’est pas défectueux.
S’il est prévu qu’une telle d’action de groupe ne puisse
"tre introduite que par le filtre d¬une association
agréée, ou encore qu’une médiation puisse être une
alternative à un jugement sur la responsabilité, il y a
lieu de craindre la multiplication des procédures dans
le domaine de la santé. En effet, au regard de la masse
d’ «
usagers du système de santé
» susceptibles d’être
concernés, les conséquences économiques et/ou mé-
diatiques pour les parties mises en cause pourraient
être importantes.
Enfin autre source d¬insécurité Yuridique pour les pro-
fessionnels concernés et leurs assureurs, la procédure
envisagée pourrait également concerner des produits
de santé qui ne sont plus sur le marché et/ou pour des
manquements ayant cessé à la date d’entrée en vigueur
de la loi (sous réserve des règles de prescription). En
effet, le Conseil constitutionnel a déjà eu à se pronon-
cer sur la même objection de rétroactivité, s’agissant
de l’action de groupe en matière de consommation, et
a estimé que s’agissant de règles relatives à la procé-
dure «
l’application immédiate de ces dispositions ne leur
confère pas un caractère rétroactif
» contraire aux exi-
gences constitutionnelles.
Dès à présent, les risks-managers doivent donc antici-
per cette évolution du droit et l’intégrer dans les dispo-
sitifs de contr+le des risques afin de se préparer aux
côtés de leurs assureurs et courtiers, à ces nouveaux
contentieux de masse.
L’ACTION DE GROUPE EN «SANTÉ» :
QUELLES DIFFICULTÉS ?
Juliette Vogel,
Avocate associée
HMN & Partners
www.hmn-partners.comATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE I N°6 I OCTOBRE 2015
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