MYOPIE ET PRESBYTIE SONT DE VRAIS FACTEURS
DE RISQUES
Si l’Homme est inhibé, il est également myope, assène Pierre Giorgini
le recteur de l’Université Catholique de Lille et auteur de
La transition
fulgurante
en fustigeant la sous-évaluation en France des impacts
des trois transitions fulgurantes. En premier chef la transition numé-
rique insuffisamment considérée, même chez les scientifiques. Puis,
en découlant, la révolution techno-scientifique toujours approchée
dans une approche marxiste par rapport à l’objet. Or l’hyperpuissance
digitale implique des changements qui obligent à repenser l’interac-
tion avec l’Homme : coopération entre les hommes, combinaison des
machines, apprentissage non supervisé (Wikipedia), humanisation des
machines, machinisation des hommes («Human Brain Project », modé-
lisation du cerveau) ...
Enfin, la transition économique qui va nous faire passer d’un monde de
la planification à un monde de l’imprévisible.
«
Mais
», conclut-il, «
voulons-nous arraisonner la nature et notre propre
nature dans la technologie ou coopérer avec elle par des technologies,
notamment pour résoudre des questions de survie ?»
La montée en conscience va être indispensable pour relever ce défi
éthique.
Pour Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement,
la myopie n’empêche pas de décider de regarder dans la bonne direction.
Certes «
ce niveau d’incertitudes n’a jamais été rencontré. Mais il y a deux
composantes à cet état : une composante de risques et une composante
d’opportunités. Et cette transformation peut être source d’opportunités.
»
Point de pessimisme pour celui dont le groupe a peu de métiers déma-
térialisables et qui ne sont pas appelés à disparaître. «
En revanche,
c’est l’endroit où va se placer la valeur qui va changer. Il faut donc être
attentif à combiner notre savoir-faire à cette transformation numérique.
Jusqu’à présent nous avons géré le futur en regardant le passé mainte-
nant, nous devons gérer le futur en regardant le futur
».
ATTENTION À NE PAS OUBLIER LES POUSSINS JAUNES
EN RESTANT BRAQUÉS SUR LES CYGNES NOIRS
«
Le diable se cache dans les facteurs humains
» pointe à deux reprises
le sociologue Christian Morel, auteur de l’ouvrage
Les décisions
absurdes
(Gallimard) soulignant l’importance de la prise en compte
de l’humain dans les calculs de risques. Et de citer des exemples de
catastrophes survenues où cet aspect avait été négligé : le crash de
la navette spatiale Challenger en 1986 alors que des problèmes tech-
niques avaient été identifiés par des ingénieurs. Mais ceux-ci ne parti-
cipaient pas à la décision d’autoriser le décollage et ceux qui avaient
ce pouvoir ignoraient les problèmes. Mais également l’explosion de la
plateforme Deep Water dans le Golfe du Mexique en 2010, où les entre-
prises concernées avaient été incapables de communiquer et de se
coordonner, accélérant ainsi l’ampleur de la catastrophe. Car les entre-
prises ne voient que ce qu’elles cherchent ou que ce qui leur paraît le
plus invraisemblable.
« Les risques d’inondation
sont plus des poussins jaunes
facilement prévisibles que
des cygnes noirs difficilement
imaginables. »
Christian Morel, Sociologue
« Cette situation sous-tend des risques sociaux
et économiques. Il faut absolument lutter contre
le décrochage scolaire en favorisant une meilleure
articulation entre le monde de l’éducation et
les entreprises et en réformant l’apprentissage. »
Danielle Deruy, Directrice générale de l’agence de presse AEF
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE
I N°8 I
MARS 2016
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RENCONTRES DU RISK MANAGEMENT