VEILLE ET POSITION
LE STATUT JURIDIQUE DU ROBOT : PROPRIÉTÉ
INTELLECTUELLE ET RESPONSABILITÉ CIVILE OU
PERSONNALITÉ JURIDIQUE PROPRE ?
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français. Leur statut leur est conféré par un raisonnement
a contrario
,
tenant à la dichotomie ancrée en droit civil entre les personnes et les
choses. Ainsi, les robots n’étant pas des êtres humains, le droit les
appréhende comme des choses, et plus encore, comme des biens. Une
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situations, de bien meuble à immeuble par destination. Protégeable
au titre du droit de la propriété intellectuelle, aussi bien par le droit
des marques, le droit des brevets, le droit des dessins et modèles ou
encore le droit d’auteur, le robot est un bien marchand, susceptible
de commercialisation. Devenu produit, il doit être exempt de vice,
et ne saurait être défectueux. Si tel était le cas, la responsabilité de
son fabricant et de tous les acteurs opérants dans son processus de
distribution, pourrait être engagée au titre des articles 1245 et suivants
du Code civil. En cas de dommage causé à un tiers, la responsabilité du
gardien du robot pourra éventuellement être engagée par la victime,
sur le fondement de l’article 1242 du Code civil.
Cependant, l’avènement des robots dits «
intelligents
», c’est-à-dire
dotés de capacités cognitives, capables de raisonner, d’apprendre et
d’interagir de façon autonome avec leur environnement et/ou utilisa-
teurs, n’est pas sans incidence dans l’application du corpus juridique
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machine
learning
et du
deep learning
, permettront à terme aux robots d’avoir une
capacité décisionnelle indépendante et imprévisible, qui sera le fruit de
leurs expériences. Ce faisant, ils seront seuls à l’origine du dommage
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d’un préjudice par le biais des régimes de responsabilité susvisés.
Ainsi voit-on émerger des considérations selon lesquelles ces robots
intelligents devraient être dotés d’une personnalité juridique. Cette
dernière est attribuée aux sujets de droit, qu’ils soient des personnes
physiques ou morales. Elle confère différents droits et obligations
selon la qualité du sujet visé. De surcroît, elle permet surtout au sujet
d’avoir un patrimoine et de contracter une assurance, ouvrant ainsi à
la victime une voie en vue de tenter d’obtenir une indemnisation de son
préjudice. Nombre de travaux portant sur ce sujet, notamment dans le
cadre du programme de recherche EuRobotics, ceux du projet européen
Robolaw, et même la proposition fraîchement votée par le Parlement,
s’accordent sur l’opportunité d’attribuer aux robots une personna-
lité juridique calquée sur celle des personnes morales. Néanmoins,
emprunter cette voie, nonobstant le fait qu’elle se heurterait à de
sérieux obstacles sur le plan juridique, paraît contre-productive, en
ce qu’elle déresponsabiliserait les utilisateurs, voire exonérerait les
concepteurs et fabricants de leur propre responsabilité. Et ceci alors
même qu’en l’état de l’art, le robot intelligent demeure une chimère.
QUELS INSTRUMENTS POUR RÉGULER EFFICACEMENT
LES ROBOTS ET PRÉVENIR LES RISQUES ?
L’adoption d’un cadre normatif et réglementaire trop général
ne permettrait pas d’englober toutes les dimensions de la
robotique et pourrait potentiellement freiner son développe-
ment. Mais force est de constater que l’état du droit ne permet
pas de prévenir tous les risques liés aux robots, qu’ils leurs soient
propres (prise de décision causant un accident…) ou le fait de causes
extérieures (hacking du système informatique et prise de contrôle du
robot par un tiers malveillant…).
Si le droit actuel paraît inadéquat, des instruments de
soft law
, la
jurisprudence et l’autorégulation peuvent l’adapter. L’élaboration de
standards techniques, de règles d’éthique
by design
applicables dès
la conception des machines sous forme d’impératifs catégoriques, ou
encore de chartes semble donc à privilégier. À l’instar par exemple de la
Corée du Sud qui élabore depuis 2007 un projet de charte éthique régis-
sant les normes de fabrication et encadrant l’utilisation des robots.
EN BREF : LES DROITS APPLICABLES
Aujourd’hui
Vu comme une création humaine
❱
Droit de la propriété intellectuelle
Droit des marques et droit des brevets,
droit des dessins et modèles
❱
Droit d’auteur
Vu comme une marchandise
❱
Responsabilité civile
Demain
Vu sous l’angle système intelligent et apprenant
❱
Une personnalité juridique propre à construire
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°13 I
ÉTÉ 2017
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