DOSSIER
LE RISK MANAGER AU DÉFI DES NOUVELLES PRISES DE RISQUES
ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DES PROFESSIONNELS DU RISQUE ET DE L'ASSURANCE
I N°12 I
MARS 2017
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RISQUE CLIMATIQUE : LE DÉFI DE GRANDE
AMPLEUR POUR L’ASSURANCE
Face aux conséquences du réchauffement climatique, de nouveaux outils de modélisation
permettent d’anticiper les phénomènes et de réduire leur impact. Mais la croissance des zones
à risques et certaines limites de la couverture assurantielle pourraient remettre en cause la
capacité de l’industrie de l’assurance à supporter seule les coûts d’indemnisation.
L
e climat n’a pas fini de tarauder le Risk
Management, alors que les évolutions propres
à la population humaine vont renforcer l’impact
de ses aléas. Lors de l’atelier consacré à l’impact
des événements climatiques sur la réassurance,
Alix Roumagnac, Président de Predict Services, une
société spécialisée dans la prévision météorologique
pour les entreprises, s’est montré particulièrement clair :
«
Partout les catastrophes naturelles augmentent du fait
de la convergence de plusieurs facteurs : la population
présente dans les zones inondables, mais aussi le taux de
population assurée et le réchauffement climatique, qui
accélère la fréquence et la gravité des événements.
»
En Méditerranée, les «
Medicanes
» (contraction de
Mediterranean et hurricane), des dépressions automnales
aux caractéristiques proches d’une tempête tropicale qui
peuvent s’intensifier en cyclone, causent déjà des dégâts
considérables. En novembre 2011, les Baléares ont été
touchées par des vents atteignant plus de 130 km/h en
rafales et des vagues de 6mètres ont pris d’assaut les côtes
varoises. En 2015, une dépression de type «medicane»
s’est formée entre la Sardaigne et la Corse avec des rafales
pouvant dépasser les 120 km/h. L’intérieur des terres est
de son côté exposé aux «gouttes froides», un phéno-
mène pouvant engendrer de très fortes précipitations sur
un périmètre réduit. Une menace réelle pour les grandes
villes, rappelle Alix Roumagnac : «
En 2016, une «goutte
froide» est passée à une centaine de kilomètres seulement
de Paris. Elle aurait pu causer une crue aux conséquences
supérieures à celle de 1910
».
Alix Roumagnac,
Président de Predict Services
Robert Muir-Wood,
Chief Research Officer de RMS
DES OUTILS POUR ANTICIPER ET NÉGOCIER
Ernst Rauch, géophysicien entré il y a 29 ans chez Munich Re, dont il préside aujourd’hui
le Corporate Climate Center, confirme cette tendance : «
Nous observons une croissance
des événements hydrologiques depuis une dizaine d’années
». Un phénomène qui révèle
aussi à quel point la couverture assurantielle reste parcellaire, voire minime, dans les
zones les plus exposées : «
En 2016, les 5 catastrophes naturelles les plus importantes
ont entraîné des pertes de 175 milliards de dollars. Une partie seulement – 50 milliards
de dollars – était assurée, soit 30 % du total. Au Japon, 81 % des pertes entraînées par le
tremblement de terre de 2011 n’étaient pas assurées.
»
Les entreprises ne sont pas pour autant totalement démunies. Des sociétés comme
Predict Services ont développé des solutions comprenant un double volet : d’une part des
extranets d’information pour disposer en continu de données sur les risques climatiques
pesant sur les sites exposés ; d’autre part, des consignes
élaborées avec les Risk Managers et les assureurs afin de
protéger au mieux les installations ou de réduire autant
que possible les conséquences des événements. Les
entreprises ont aussi intérêt à utiliser les outils tels que
ceux développés par RMS, un spécialiste de la modélisa-
tion des risques inhérents aux catastrophes naturelles.
«
Notre modèle de calcul prend en compte les dispositifs
mis en place pour éviter les répercussions des inondations,
précise au cours du même atelier Robert Muir-Wood,
chargé chez RMS d’analyser les tendances et le change-
ment de fréquence des catastrophes naturelles.
Il peut
analyser l’impact des événements sur l’ensemble de la
supply chain mais aussi sur les fournisseurs potentiels, ce
qui permet d’élaborer des alternatives.
»
L’INDUSTRIE DE L’ASSURANCE
POURRA-T-ELLE TENIR ?
Les applications de ces outils sont multiples. Les entre-
prises peuvent intégrer ces données dans leurs plans de
continuité d’activité mais aussi leur stratégie. En reloca-
lisant certains sites, elles réduisent d’autant le risque de
rupture d’approvisionnement. Ces données seront aussi
utiles dans le cadre des négociations menées avec les
courtiers ou les assureurs qui, de leur côté, les utiliseront
pour optimiser leur portfolio de risques. Mais les capacités
nouvelles qu’offrent les outils de modélisation du risque
ne doivent pas faire oublier une tendance préoccupante,
rappelle Ernst Rauch : «
Les précipitations, dont les fluctua-
tions sont toujours plus fortes, auront un plus grand impact
sur notre business. Globalement, le risque peut être couvert,
mais des tensions locales sont prévisibles. Cette évolution
aura une répercussion sur le choix des lieux d’implantation et
les solutions de transfert de risque. Notre secteur a pour l’ins-
tant la capacité d’assumer l’évolution des événements clima-
tiques mais ce ne sera peut-être pas le cas dans le futur.
»
Malgré leurs limites, les outils actuels de modélisation
ont déjà permis un progrès notable de l’industrie de
l’assurance, estime Ernst Rauch : «
Il est pour l’heure
impossible d’obtenir simultanément des données précises
sur la localisation, l’intensité et l’heure d’un événement
climatique mais l’amélioration des modèles améliore le
calcul des probabilités, ce qui permet de mieux évaluer
les pertes potentielles et donc le pricing.
»