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Comment appréhender aujourd’hui la gestion des risques extrêmes ?

Les risques extrêmes se caractérisent par une très faible probabilité

de survenance et une grande gravité. Nombre de ces événements ne

se produisent qu’une fois tous les 200 ans, voire moins fréquemment.

L’histoire garde en mémoire ces événements extrêmes : les tremble-

ments de terre de Lisbonne en 1755, de San Francisco en 1906, de

Tokyo en 1923, la crue de la Seine en 1910, mais aussi le World Trade

Center en 2001… Les réassureurs doivent pouvoir «absorber» de tels

chocs extrêmes sans qu’ils mettent en cause leur solvabilité. Pour y

parvenir, chaque réassureur doit limiter son exposition à chaque évé-

nement extrême, et se réassurer lui-même pour partager son coût.

Le maître mot pour absorber un grand choc est celui de

diversification. Si deux événements se produisent cha-

cun tous les 100 ans, la probabilité qu’ils surviennent la

même année est de 1/10 000 !

Il convient d’avoir un portefeuille diversifié de façon op-

timale par type de risque, par zone géographique et une

politique optimale de rétrocession combinant rétroces-

sion traditionnelle et obligations catastrophes. Ceci dit, le

principe de diversification qu’un réassureur met en œuvre

pour limiter son exposition peut rencontrer des limites car

ces grands risques s’accompagnent souvent de cumuls

entre les différentes branches et classes d’expositions.

Par exemple, on a vu dans le cas des inondations thaï-

landaises une explosion du coût des « business inter-

ruptions ». Par ailleurs, lorsque certains de ces risques extrêmes,

comme les catastrophes naturelles ou les pandémies, sont connus

depuis longtemps et relativement bien modélisés, d’autres risques

sont émergents et peuvent avoir des conséquences en chaîne.

Citons par exemple les éruptions solaires : elles existent depuis la nuit

des temps, mais, désormais, elles interfèrent avec les nouvelles techno-

logies et peuvent endommager les satellites et les réseaux électriques à

grande échelle conduisant à un blackout généralisé. Ce risque majeur va

lui-même engendrer quantité d’autres risques compte tenu de la place

de l’énergie électrique dans les sociétés modernes.

Les risques extrêmes sont au cœur du métier de réassureur. Nous

traitons les queues de distribution statistique des risques. Nous le

faisons de manière rationnelle, en chiffrant la probabilité de surve-

nance et en quantifiant les dommages potentiels, ainsi que ceux liés

à l’univers des risques associés. C’est la raison pour laquelle la ges-

tion du risque est une véritable science ; mais elle reste également

un art, dans la mesure où le discernement, l’intuition et les analyses

subjectives sont tout aussi fondamentaux dans la souscription et la

gestion de ces risques par notre industrie.

LES RISQUES EXTRÊMES AU CŒUR

DU MÉTIER DE RÉASSUREUR

DENIS KESSLER, PRESIDENT DU GROUPE SCOR

En juin 2014, le groupe SCOR a été élu«Reinsurer of the year» lors des Reactions

Londons Market Awards et a également reçu le prix «Life Transaction of the

Year» par la publication spécialisée Trading Risk, pour son contrat de transfert

de risques extrêmes de mortalité avec Atlas IX. Denis Kessler, son PDG, revient

pour Atout Risk Manager sur cette notion de risques extrêmes. Interview.

«Nous

traitons les

queues de

distribution

statistique

des risques.»

Peut-on gérer ces risques ?

Comme pour tous les risques, la gestion des risques extrêmes se décline en

plusieurs étapes. Il faut tout d’abord les identifier. C’est une composante clé

dans la mesure où l’une des caractéristiques même de ce que l’on nomme

quelquefois les «cygnes noirs» peut être de frapper là où ils ne sont pas at-

tendus. Il faut ensuite les évaluer, par modélisation ou analyse à dires d’ex-

pert. Nous procédons à l’heure actuelle à des scénarios dits «footprints» :

on calcule l’impact pour SCOR, en termes de rentabilité, de solvabilité et de

liquidité, de la réplique d’événements extrêmes survenus historiquement, en

tenant compte de notre exposition actuelle (par géolocalisation des risques

que nous avons souscrits en portefeuille) et des valeurs assurées actuelles.

Enfin, la gestion à proprement parler des risques extrêmes

comprend, d’une part, la protection du Groupe, au moyen par

exemple de la réassurance, du recours aux Insurance-Linked

Securities ou à des instruments de capital contingent, pour les

catastrophes naturelles et le risque extrême de mortalité et,

d’autre part, la préparation, en anticipant les actions et plans de

contingence nécessaires afin de permettre une prise de décision

efficace en cas de survenance éventuelle d’un risque extrême.

Une des quatre pierres angulaires de la politique menée par

SCOR concerne précisément la stratégie de protection du ca-

pital, dite

capital shield

. Notre solvabilité est notre bien le

plus précieux. Nous devons tenir nos engagements, même

dans le cas d’événements extrêmes.

Mais répétons qu’in fine, les réassureurs les mieux positionnés

pour gérer les risques extrêmes sont les acteurs les plus diversifiés, du point

de vue des risques souscrits comme des sources de leur propre protection.

Vous avez reçu récemment un prix pour votre 1

er

contrat de transfert de

risques extrêmes de mortalité. Pouvez-vous nous en parler ?

Le «mortality bond » Atlas IX fournit à SCOR une couverture jusqu’en 2018

contre les événements extrêmes de mortalité aux États-Unis à la suite par

exemple de pandémies, de catastrophes naturelles ou d’attaques terro-

ristes, pour un montant de 180 millions de dollars. L’instrument s’appuie

sur un indice de mortalité de la population américaine pondéré par âge

et par sexe afin de refléter les caractéristiques du portefeuille de SCOR

Global Life aux États-Unis. Son point d’attachement, à partir duquel le

paiement est initié, est particulièrement bas pour ce type de couverture.

L’émission de cet instrument de protection contre les risques extrêmes de

mortalité s’inscrit pleinement dans le cadre de la stratégie de SCOR, et no-

tamment de deux de ses piliers : d’une part, une « appétence au risque »

contrôlée et, d’autre part, une « stratégie de protection du capital » effi-

cace. En outre, Atlas IX est une parfaite illustration de notre volonté de

tirer parti de la convergence croissante entre le secteur de la réassurance

et les sources alternatives de capitaux via les marchés financiers.

ATOUT RISK MANAGER, LA REVUE DE L’AMRAE

I N°4 I

AVRIL 2015

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