ATOUT RISK MANAGER N°25

ATOUT RISK MANAGER N°25 I ÉTÉ 2020 51 VEILLE ET POSITION Ensuite, le lien avec l’évènement déclencheur n’étant pas clairement direct, mais endogène à la décision des acteurs, ces pertes deviennent exponentielles. Elles ne se limitent pas à un territoire, même s’il s’agit du pays dans son intégralité. On est bien aux limites des modèles assurantiels usuels comme l’a montré les débats récents sur l’assurance des pertes d’exploitation. Elles peuvent en outre être modulées par la gestion de l’entreprise et amoindries par la qualitédesonRiskManagement.C’est pourquoi, les assureurs n’ont pas pu développer une offre traditionnelle de prévention et d’assurance adaptée aux pertes d’exploitation sans dommage Quiplusest,trèspolariséesparleurcompétitivité, les entreprises ne se sont pas toujours donné les moyens de comprendre les expositions de leur modèle opérationnel, complexifié par la globalisation, ni de les modéliser dans les conditions qui permettraient une tarification technique par les assureurs. Depuis longtemps, l’AMRAE développe les méthodes et outils nécessaires, par exemple pour la «supply chain» ou le risque cyber. Mais force est de constater que ces efforts n’ont pas encore abouti à une véritable pratique de place, quelle que soit la place de marché! QUELLE SOLIDARITÉ ENTRE LES ENTREPRISES? Enfin, on doit s’interroger sur la motivation des entreprises à partager avec leurs compétiteurs le coût de dommages, dont le niveau résulte directement d’orientations stratégiques plus ou moins risquées ou de l’efficacité d’une gestion des risques. S’il est incontestable que toutes les entreprises doivent être protégées pour conserver la cohésion du tissu économique français, faut-il rechercher une solidarité par filière ou une solidarité nationale? Doit-on se limiter aux seuls risquesmenaçant lespopulations qui touchent les secteurs dépendants du public, ou au contraire les diversifier entre tous les secteurs? Tous ces arbitrages sont éminemment politiques. L’Étatestprêtàintervenirquandlesconséquences deviennent horsdeportéedubilandes assureurs, comme il fait déjà pour les régimes assurant les catastrophes naturelles ou le terrorisme. Mais nous savons que le nouveau régime en préparation ne peut pas répliquer ces modèles. LA COVID‑19 A MIS AU GRAND JOUR L’EXPOSITION DES ENTREPRISES À DES RISQUES SYSTÉMIQUES La crise économique engendrée par la Covid‑19, dont le caractère systémique a atteint un paroxysme, a mis au grand jour que les risques opérationnels des Entreprises sont devenus immatériels et, systémiques, voire illimités, comme le sont depuis longtemps les risques financiers. Cette crise nous appelle à l’humilité. Pour les chefs d’entreprise, c’est sans doute la plus grave crise de leur existence. Parce que c’est une responsabilité régalienne de protéger les populations face à une crise sanitaire, cette crise est également politique. Son ampleur économique et sociale renforce encore cette dimension politique. L’État est donc intervenu dans son rôle d’assureur de dernier ressort de l’économie, prenant de larges mesures pour soutenir les entreprises, les conséquences économiques du confinement face à la pandémie n’étant, pour la plupart, pas assurées. C’est pourquoi, au moment où l’économie réelle redémarre, la question que se posent tous ses acteurs, y compris l’État, est de savoir comment assurer les effets d’évènements majeurs susceptibles d’arrêter demain l’activité des entreprises. Ces risques exceptionnels préoccupent les Risk Managers, conscients que leurs entreprises ne peuvent pas les supporter et qu’elles ne sont pas assurées pour les pertes qui en découleront. C’est l’objet du groupe de travail installé par Le Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, auquel l’AMRAE a participé, pour la mise en œuvre d’un nouveau régime assurantiel couvrant les conséquences économiques de risques exceptionnels, dont la pandémie (voir en page 53 l’interview de Lionel Corre, sous-directeur des assurances à la Direction générale du Trésor)

RkJQdWJsaXNoZXIy MTkzNjg=