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N°43 I HIVER 2024-25 standards objectivés et modernes doivent être appliqués sans attendre qu’un contrôle extérieur ne vienne les imposer. L’article 15 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen nous rappelle notre responsabilité : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Nous avons pour mission de préserver le patrimoine public, de garantir une gestion rigoureuse et de servir l’intérêt général avec exemplarité. Cela passe par une capacité à anticiper, structurer les risques et inscrire nos actions dans une démarche de transparence et de responsabilité. De quel budget disposezvous pour assurer la couverture des risques ? Sylvain Faure : Dans le secteur public, la couverture financière du risque repose sur des provisions budgétaires spécifiques, notamment pour couvrir les risques liés à un contentieux administratif ou judiciaire. Mais aujourd’hui, notre principale inquiétude vient du de-risking pratiqué par les assureurs depuis environ dix-huit mois. Ils ont drastiquement réduit leur couverture, tout en élargissant le périmètre des franchises et en augmentant fortement les primes. En clair, tout est fait pour éviter d’assurer certains risques majeurs : le risque climatique, les biens immobiliers, les flottes automobiles et même la responsabilité civile des agents publics. Les assureurs justifient leur désengagement par la fréquence accrue des aléas naturels et par les dégâts générés par les émeutes urbaines. C'est un prétexte, la raison essentielle c'est une recherche d’optimisation de leur ratio de couverture (sinistres/primes). Résultat : nos risques se retrouvent aujourd’hui exposés, ce qui fragilise les collectivités. Les rapports publiés par le Sénat et sous l’égide de l’Association des maires de France (AMF) ont alerté sur ce phénomène général, un rapport très récent de la Chambre régionale des comptes (CRC) de Bourgogne FrancheComté présente une illustration régionale des causes et conséquences qui, à mon sens, s’appliquent à toutes les collectivités françaises. Elle relève par exemple que le montant des primes versées aux assureurs a doublé entre 2018 et 2024. Bastien Nespoulous C’est un scandale, et une spécificité française. Nos voisins allemands, par exemple, ne subissent pas le même traitement : les primes d’assurance qui leur sont appliquées sont nettement inférieures à celles imposées en France. Les assureurs français nous accusent de ne pas suffisamment connaître nos actifs. C’est un faux-fuyant ! Leur véritable préoccupation reste la rentabilité. Finalement, toutes les grandes villes subissent cette situation. Les réponses de l’AMF (le rapport sur les assurances des collectivités par exemple) restent insuffisantes. Nous sommes inquiets car la plupart de nos contrats arrivent prochainement à échéance, et nous risquons de nous retrouver dans une situation complexe si les assureurs persistent dans ce sens. Ce constat est partagé par la quasi-totalité des collectivités territoriales. Que préconisez-vous pour lutter contre le risk crunch ? Sylvain Faure Pour l’instant, il n’y a que des rapports publiés, mais ces travaux présentent des propositions qui pour la plupart relèvent des pouvoirs publics au niveau national, dont on attend à ce jour la réaction. Bastien Nespoulous Il est temps de passer de la parole aux actes. Nous subissons la double peine : d’un côté, le refus des assureurs de couvrir nos risques, et de l’autre, des contraintes budgétaires croissantes imposées par l’État qui nous obligeront, à terme, à couper dans des budgets essentiels. La solution doit être à la hauteur de l’enjeu. Nous avons besoin d’une contrainte réglementaire forte qui obligerait les compagnies d’assurances à faire leur métier d’assureur sans ostraciser les collectivités territoriales, qui sont un rouage essentiel du fonctionnement du pays. À défaut, il faudra envisager des solutions alternatives plus collectives, telles que la création d’une mutuelle assurantielle dédiée aux collectivités locales. Cela permettrait une reprise de contrôle par la sphère publique, dans une logique solidaire pour mutualiser les risques et maîtriser les coûts. La création d’une structure assurantielle publique, actant la carence de l’initiative privée, pourrait être une solution. À l’image de l’agence France Locale créée au moment de la crise financière qui avait fait craindre un credit crunch pour les collectivités territoriales. Il est urgent de se mobiliser, les simples constats sont insuffisants ! Propos recueillis par Julia Ansaldi « Le sens de mon métier d’administrateur territorial est de garantir un service public efficace et sécurisé, tout en pilotant les risques inhérents à cette mission. » BASTIEN NESPOULOUS Directeur général des services de la ville de Nice et de la Métropole Nice Côte d’Azur. Questions à Bastien Nespoulous et Sylvain Faure \ 13

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