ATOUT RISK MANAGER N°35

ATOUT RISK MANAGER N°35 I HIVER 2022-2023 35 Dossier - La prévention pour se protéger, bien plus que l’assurance « En matière de risques liés à l’approvisionnement, l’analyse du transport est un sujet de progrès qui va permettre de détecter des vulnérabilités insoupçonnées » Gérard Payen, senior management advisor et président d’Iriskium. Le risque de supply chain est insondable et i népu i sab l e . Son spectre est extrêmement l a r g e , t a n t e n t e r me s de na ture de r i sques qu ’ en termes d’impacts. Ces derniers peuvent être financiers, opérationnels, stratégiques, humains. C’est aussi un sujet qui va au-delà de l’entreprise étendue, car il peut non seulement l’affecter, mais aussi tous ses partenaires en amont et en aval. Trop souvent, l’approche se limite aux fournisseurs les plus proches, avec lesquels on a une relation commerciale directe. Parfois, on essaye de savoir qui sont leurs propres fournisseurs, et on ne va guère plus loin. Les plus zélés vont s’intéresser aux approvisionnements en matières premières. D’expérience, pas plus de 10 à 20% des entreprises font ce travail d’analyse. Et le transport est souvent un angle mort. L’affaire du canal de Suez bloqué par l’EverGiven en mars 2021 l’a bien montré : de nombreuses entreprises ont découvert à cette occasion qu’une partie de leur approvisionnement passait par cette route maritime, et que même du bétail se trouvait sur le bateau en question. En matière de risques liés à l’approvisionnement, l’analyse du transport est un sujet de progrès qui va permettre de détecter des vulnérabilités insoupçonnées. L’autre point négligé, c’est l’interdépendance entre les matérialisations de risque. En Europe, la situation tendue sur le marché du transport est aggravée par le conflit en Ukraine car de très nombreux conducteurs de poids lourds travaillant pour des compagnies identifiées comme polonaises, par exemple, venaient d’Ukraine et manquent désormais à l’appel. À l’inverse, le risque pesant sur le néon, dont l’Ukraine est le premier producteur mondial, avait été identifié par les entreprises qui en consomment et qui ont constitué des stocks. En analysant la situation sur les terres rares, on identifie des sujets extrêmement intéressants. Tout le monde parle du lithium en disant c’est une denrée précieuse, rare, qui vient de Chine. En réalité, 45 % du lithium est extrait en Australie, 20 % au Chili, et seulement 10 % en Chine, qui raffine 60 % des extractions mondiales. Le cuivre, massivement produit au Chili et au Pérou, est aussi majoritairement raffiné en Chine. L’empire du Milieu a su se rendre incontournable dans les chaînes d’approvisionnement en devenant le premier raffineur mondial de matières premières, ce qui n’a pas posé trop de problèmes pendant longtemps, car c’est un pays fiable. En revanche, si l’on s’intéresse aux menaces d’interruption de la chaîne d’approvisionnement, cela soulève des questions ». La pénurie de chauffeurs routiers, un risque croissant L’Union internationale des transports routiers (IRU) estime que d’ici à 2026, deux millions de postes de conducteurs ne seront pas pourvus. La demande de chauffeurs de poids lourds a augmenté de 44 % entre janvier et septembre 2022, alors que trois chauffeurs sur dix prendront leur retraite d’ici à 2026, et qu’il n’y a pas assez de jeunes pour les remplacer. Cette pénurie de conducteurs de camions, de bus et d’autocars va devenir « incontrôlable », alors que les camions transportent 75 % du fret eu ropéen en vo l ume , 85 % de b i ens périssables, comme les vaccins et la nourriture. Le problème n’est pas lié aux salaires, selon l’IRU, mais plutôt à des difficultés d’accès à la profession pour les jeunes, et à un manque d’attractivité. L’âge minimum de qualification à 21 ans pour les conducteurs de poids lourds dans cinq pays de l’Union européenne (UE) et de 21 à 24 ans pour la plupart des postes de conducteurs d’autobus et d’autocars dans toute l’UE évince les jeunes qui quittent l’école. Le coût élevé du permis et de la formation constitue un autre obstacle. Les jeunes conducteurs ne représentent que 6 % des effectifs pour le transport de marchandises et 5 % pour le transport de passagers. Pour expliquer la très faible part de femmes, l’IRU pointe la sécurité, essentielle pour rendre la profession plus attractive. Seulement 3 % des aires de stationnement pour camions existant dans l’UE sont certifiées sûres. L’IRU souligne aussi que cette pénurie touche par t icul ièrement l ’Europe, mai s est un problème mondial. ■

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