ATOUT RISK MANAGER N°35

ATOUT RISK MANAGER N°35 I HIVER 2022-2023 33 Dossier - La prévention pour se protéger, bien plus que l’assurance La montée des périls climatiques « On assiste à une montée des périls climatiques et, parmi toutes les perturbations, celles qui sont imputables à la météo vont prendre de plus en plus d’importance », explique Michel Josset. Il ne suffit pas de se dire que l ’usine d’un fournisseur n’a jamais été inondée. Il faut aussi s’assurer que le fournisseur de substitution n’est pas dans la même zone, afin qu’il ne soit pas affecté par la même inondation. « Le processus doit être permanent, et amène à se dire, bien sûr, qu’il ne faut pas avoir un seul fournisseur, mais préférer des approvi - sionnements en double source quand c’est possible. Toutefois il n’est pas forcément simple de changer de fournisseur rapidement, notamment à cause des certifications auxquelles il faut pouvoir souvent satisfaire », reprend Frédéric Jousse. « La cartographie des risques doit désormais être établie en prenant précisément en compte les implantations géographiques. Il faut négocier les droits et devoirs des acheteurs et vendeurs, les International Commercial Terms (incoterms) et ne pas les laisser à la main du fournisseur. Qu’il soit ou non possible de convenir des règles de transport, l’entreprise doit se protéger en mettant en place des mouchards qui vont permettre d’objectiver le risque », ajoute Isabelle Gout. Accentuer l’analyse sur les risques de tiers tout au long de la chaîne de valeur La démarche est complexe, mais d’autant plus importante que l’assurance n’est plus un recours aussi ef ficace. « Les assureurs ont par fois eu des réactions un peu excessives lorsqu’ils ont identifié les imbrications de r i sques qu’ i l s n’avaient pas c lai rement envisagées auparavant. Cela nous oblige à être vraiment vigilants sur les risques liés aux tiers » indique Isabelle Gout. Les assureurs eux-mêmes ont été surpr i s par l ’accumul at ion des r i sques . « Ac tuel lement , l’assurance ne couvre plus qu’une petite partie des risques encourus par l’entreprise dans le cadre de la rupture de sa chaîne d’approvisionnement, et l’entreprise se doit donc de mettre l’accent sur la prévention de ses r isques. Ainsi, lorsque les assureurs a c c e p t e n t d e c o u v r i r l e s c a r e n c e s d’approvisionnement, ils ne le font que dans un cadre restreint et au-delà d’un premier risque dont le montant varie en fonction de la sensibi l ité de l ’entrepr ise aux r isques encourus, et pour des montants qui sont souvent loin des besoins de l’entreprise », souligne Frédéric Jousse. Autre difficulté, la géopolitique devient aussi un élément incontournable dans ces problèmes pourtant très opérationnels. Ainsi, les tensions entre les États-Unis et la Chine, la situation en Ukraine montrent à quel point les interdépendances sont devenues for tes . Une ent repr i se qui compte le blé dans ses intrants sans en acheter un gramme en Ukraine n’a pas pour autant été protégée de la flambée du prix de cette céréale sur les marchés mondiaux. « Il existe des solutions informatiques qui consolident de très nomb r e u s e s i n f o r ma t i o n s , e t q u i permet tent à la fois de stocker des données sur des milliers de fournisseurs, mais aussi d’avoir un système d’alertes. Leur coût ne les rend malheureusement accessibles qu’aux grands groupes », indique Michel Josset Penser à long terme « Il faut considérer le risque de tiers tout au long de la chaîne de valeur. En amont, côté fournisseurs, c’est le risque de ne pas être livré, totalement ou partiellement, d’être livré en retard ou avec une qualité qui ne correspond pas à celle exigée. En aval, c’est le risque d’être empêché de livrer étant donné la situation dans la laquelle se trouvent ses clients : tension géopolitique, crise sanitaire, catastrophe naturelle etc. Dans le contexte économique actuel, c’est particulièrement important », estime Laurent Giordani, associé fondateur de Kyu associés. « Connaître ses tiers, c’est savoir qui ils sont, où ils sont implantés, comment ils produisent etc. C’est malheureusement loin d’être le cas de beaucoup d’entreprises » ajoute Laurent Giordani. Ce sujet est brûlant car les défaillances d’entreprises risquent d’augmenter avec les conséquences de la guerre en Ukraine et l’explosion des coûts de l’énergie. « Il faut revoir les modèles organisationnels conçus pour des eaux calmes. Pendant 30 ans on a cru que c’était la fin de l’histoire et que le capitalisme avait gagné. C’était la mondialisation h e u r e u s e . A u j o u r d ’ h u i , o n r é a l i s e progressivement l’effet des délocalisations et de la désindustrial isation massive, et la vulnérabilité qu’impliquent les concentrations sectorielles dans certaines zones, en Chine en particulier. Nous sommes passés d’un monde plein de certitudes à un monde d’instabilités et de repli sur soi. Les organisations actuelles ne sont pas du tout conf igurées pour ces temps-là », souligne Laurent Giordani. « Il y a un écart entre l’organisation actuelle des entreprises et le monde dans lequel nous sommes entrés. Il ne faut pas seulement régler les problèmes à court terme mais aussi se projeter dans le moyen et le long terme pour changer notre façon de fonctionner », ajoute Laurent Giordani. « Le plan de continuité de « Il y a un écart entre l’organisation actuelle des entreprises et le monde dans lequel nous sommes entrés. Il ne faut pas seulement régler les problèmes à court terme mais aussi se projeter dans le moyen et le long terme pour changer notre façon de fonctionner . » Laurent Giordani, Kyu Associés.

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