ATOUT RISK MANAGER N°35

ATOUT RISK MANAGER N°35 I HIVER 2022-2023 24 Dossier - La prévention pour se protéger, bien plus que l’assurance Bruno de Moura Fernandes, responsable de la recherche macroéconomique de la Coface. Quelles sont vos prévisions sur le coût de l’énergie ? Les prix du gaz vont rester élevés quoi qu’il arrive. L’Europe est parvenue à reconstituer ses stocks de gaz, d’autant que les mois d’octobre et de novembre 2022 ont été doux. Les réserves devraient être suffisantes pour passer l’hiver. En revanche, il faudra reconstituer des stocks courant 2023 et se battre avec le monde entier pour acheter du gaz naturel liquéfié. Son prix restera très élevé, et encore plus si l’économie chinoise rebondit, comme c’est fort probable en deuxième partie d’année. Quelles sont les prévisions de Coface sur la hausse des prix ? L’inflation va également rester élevée. Sur l’ensemble de l’année 2022, le taux est de 8,1 % en zone euro et autour de 6 % en France. Selon nos prévisions actuelles, il devrait être respectivement à 5,9 % et 5 % sur l’ensemble de l’année 2023. Avec un ralentissement progressif de l’augmentation des prix, cela signifie que sur douze mois, l’inflation devrait être de 6 % voire 7 % en moyenne en Europe mi-2023, et autour de 10 % en Allemagne et en Italie. Dans les pays de l’ex-Europe de l’Est, la hausse des prix est encore plus marquée avec une poussée au-delà de 15 % et qui va durer car elle est por tée par la for te progression des salaires. En 2024, la hausse va ralentir mais sera toujours signi f icative, avec un taux sur l’ensemble de l’année de l’ordre de 3,5 %. Quelles sont les conséquences de cette hausse des prix ? À fin 2024, le taux d’inflation sera encore au-delà de ce que nous connaissions depuis plusieurs décennies. Cela induit une perte du pouvoir d’achat des ménages, et donc une érosion de la demande car dans ce contexte de crise, il est peu probable qu’ils piochent dans leur épargne de précaution. Quel est l’impact de la hausse des taux d’intérêt ? C’est le troisième risque important. Pour juguler l’inflation, les banques centrales revoient leur taux à la hausse. En les ayant relevés en 2022 de 4,25 points en neuf mois, la Fed (la Réserve fédérale américaine, ndlr) a resserré sa politique monétaire avec une rapidité inédite depuis quarante ans. La Banque centrale européenne a amorcé la tendance un peu plus tard, en juillet 2022, et les a remontés de 2,5 points en cinq mois. Nous estimons que les banques centrales ne commenceront pas à baisser leur taux avant 2024. Nos économies restent donc en risque de récession. Avec cette hausse du coût des financements des entreprises et des ménages, on peut très légitimement s’attendre à une augmentation des défaillances d’entreprises. « Le risque d’inflation est sans conteste le plus important auquel sont confrontées les entreprises » Emmanuel Millard, président de l’association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) «D’un point de vue financier, le risque d’inflation est sans conteste le plus important auquel sont confrontées les entreprises. Il s’impose à toutes, impossible de le contourner, mais toutes les entreprises ne réagissent pas de la même façon. Une enquête commandée par la DFCG montre que 33 % des entreprises vont répercuter l’inflation sur leurs prix de revient et de vente. 17 % essaient de simplifier les process pour améliorer leur efficacité et réduire leur coût de revient. Environ 15 % des entreprises déclarent rogner leurs marges pour compenser la hausse des prix. L’autre préoccupation des entreprises, c’est le risque sur les taux d’intérêt : elles craignent que l’accès au crédit soit moins facile. Notamment parce que leur bilan financier les place dans une situation moins favorable. À la DFCG, nous avons insisté sur le fait que les banques doivent jouer leur rôle même si le scoring de certaines entreprises risque de se dégrader. Nos adhérents sont aussi confrontés au risque qui pèse sur les ressources humaines. Les directions financières sont particulièrement concernées : elles peinent à trouver de bons professionnels, et par conséquent, les salaires augmentent ».

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