ATOUT RISK MANAGER N°34 I AUTOMNE 2022 7 Portrait Il raconte une anecdote qui a marqué son parcours professionnel : « Le jour même demon arrivée au département de la sûreté nucléaire d’EDF, en 1997, après dix ans de R&D, je suis face à un problème de vanne fuyarde sur une centrale. Je dois rendre un avis de sûreté qui sera retenu car chez EDF, la sûreté a le dernier mot. Faut-il réparer en mettant la centrale à l’arrêt et perdre en production, ou bien opter pour un arrêt léger en restant en pression? J’opte d’abordpour cette dernière solution, compatible avec la sûreté. J’appelle la centrale et je comprends que l’intervenant qui ferait la réparation n’aurait plus qu’unsimple isolement leprotégeant deplusieurs tonnes de liquide à 180 °Cet 20 bars de pression. In fine, j’ai préconisé de mettre la centrale à l’arrêt, le temps de réparer la vanne fuyarde, se souvient Laurent Magne. Cela m’a appris la différence entre un simple avis (ma posture précédente de chercheur) et une position faisant décision. Et depuis, j’ai pu mesurer tout au long de mon parcours professionnel qu’il ne peut y avoir d’analyse de sûreté et d’analyse du risque sans compromis entre plusieurs enjeux contradictoires », commente-t-il. Plus de trente ans que Laurent Magne manie le compromis chez EDF. Comme expert en analyse de sûreté nucléaire pendant trois ans, après dix autres passés à la direction Recherche et développement du groupe où il effectuait 2. Trois «équivalents temps plein», en plus de Laurent Magne : une personne sur la cartographie des risques, une autre sur les risques émergents, et une autre spécialisée dans les risques nucléaires. L’équipe est complétée d’une personne pour le contrôle interne et une cinquième pour les politiques du groupe. des études de probabilités de sûreté, des calculs de risques, et baignait dans les exposants. Le compromis « sans compromission », insiste Laurent Magne, il a continué d’en faire sa ligne de conduite en tant que chef du département management des risques industriels d’EDF Recherche & développement, puis au risk management de la division Production nucléaire. Et enfin, depuis 2014, comme patron du département Risques et contrôle interne, rattaché à la direction des risques pilotée par Stanislas Martin. Management global du risque pour toutes les entités d’EDF Responsable de l’ERM d’EDF, Laurent Magne est chargé de la cartographie des risques et du contrôle interne. Il développe et administre les outils du management global du risque pour toutes les entités du groupe EDF. Si le pôle central ERM est assez mince (trois personnes2), il tient un rôle-clé : mobiliser toutes les unités (fonctionnelles ou opérationnelles, y compris les filiales du groupe) sur les grands principes de gestion et de maîtrise du risque. « C’est un avantage, chezLaurent,dechapeauterégalement le contrôle interne car c’est la cheville ouvrière de la maîtrise et de la gestion des risques, estime Philippe Noirot. Chez Orange, nous sommes deux pour ces deux fonctions ». Bio express À 61 ans, Laurent Magne aligne une carrière passée presque entièrement chez EDF. Après deux ans à La Réunion, comme statisticien au service régional de l’Insee, l’ingénieur diplômé de Supélec et de l’Ensae1 rejoint le groupe énergétique en 1988. Il se passionnait pour les sujets de risques industriels et de sûreté de fonctionnement, il fait ses premières armes à la Recherche & développement d’EDF où il réalise des études probabilistes de sûreté nucléaire. Il y reste pendant dix ans, comme chef de projet puis chef de groupe, construit des modèles de séquences accidentelles, modélise les lignes de défense, de prévention, de maintenance. En 1997, il intègre la direction de la Production nucléaire, devient expert en analyse de sûreté puis revient à la R&D, comme chef du département Management des risques industriels. Il retrouve ses sujets de prédilection : l’approche probabiliste des risques, la maintenance, l’aide à la décision, et aussi les facteurs humains et organisationnels. «L’erreur humaine, c’est une tautologie de l’accident. L’important est d’en comprendre les causes profondes, souvent organisationnelles», dit-il. En 2007, il retourne à la production nucléaire d’EDF avec la casquette risk management. Cette fois, c’est à toutes les unités productives nucléaires qu’il déploie le dispositif de maîtrise des risques. Nommé en 2011 chargé de mission cartographie à la direction des risques du groupe, il prend en 2014 la tête du département risques et contrôle interne de l’énergéticien. 1. École supérieure d’électricité. École nationale de la statistique et de l’administration économique. « Il ne peut y avoir d’analyse de sûreté et d’analyse du risque sans compromis entre plusieurs enjeux contradictoires. »
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