AMRAE_ATOUT-RISK_33-30082022

ATOUT RISK MANAGER N°33 I ÉTÉ 2022 40 Dossier - Maîtriser les risques hydrogène et batteries au lithium-ion Entretien avec le commandant Franck Verriest, responsable formation Recherche des causes et circonstances d'incendie (RCCI) et des formations pour appréhender les nouveaux risques à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) associé chez Arengi «Acculturer les sapeurs-pompiers et les cadres du privé au risque hydrogène » Basée à Aix en Provence, l’ENSOSP propose une formation au risque hydrogène dans des conditions réelles inédites en Europe. L’enjeu est de taille sur fond de plan hydrogène doté par l’État de dix milliards d’euros. Atout Risk Manager : En quoi consiste la formation au risque hydrogène? Elle comprend des cours théoriques, des exercices de réalité virtuelle et des mises en situation en conditions réelles. À ce jour, nous sommes la seule plateforme en Europe à travailler avec des pressions réelles, c’est-à-dire de l’hydrogène pressurisé à 700 bars dont on est capables de reconstituer la fuite. Notre cœur de métier est la formation des officiers sapeurs-pompiers aux fonctions d’encadrement, au commandement opérationnel, à la gestion de crise et aux interventions face aux risques technologiques. Située sur notre site d’Aix-en-Provence, notre plateforme permet de donner des éléments de comparaison entre des fuites enflammées de GPL, de gaz naturel et d’hydrogène, afin de savoir caractériser ce à quoi nous sommes confrontés. L’enjeu est d’instaurer une acculturation des sapeurs-pompiers pour qu’ils n’aient pas d’effet de surprise au moment de l’intervention, grâce à une grille de lecture leur permettant de déterminer le phénomène auquel ils ont affaire. Il n’y a pas une source de propulsion plus dangereuse qu’une autre, mais chacune pose des problématiques spécifiques. L’École nationale a aussi dans son cœur de métier la recherche. Des publications sont éditées chaque année, sous forme de mémoires, ou de notes rédigées par des conseillers techniques en risque chimique. Ces documents sont accessibles librement sur le portail PNRS (portail national des ressources et des savoirs). Vous formez aussi des cadres de l’industrie? Compte tenu du caractère unique de notre plateforme, nous recevons ponctuellement des demandes de formations provenant du secteur privé, auxquelles nous répondons. Il s’agit de leur transmettre une information sur l’hydrogène et ses phénomènes associés, pour décrypter les risques et comment y faire face. Nous leur proposons soit une démonstration des phénomènes sur la plateforme, soit une mise en situation professionnelle ; Nous les formons ainsi à l’intervention : approcher une fuite enflammée en sécurité, aller fermer une vanne à proximité d’une flamme d’hydrogène, intervenir sur un véhicule hydrogène en feu, pour refroidir le véhicule et éteindre l’incendie. Pourquoi ces entreprises vous sollicitent-elles? Mon retour d’expérience est le suivant : comme la filière hydrogène commence à concrètement se déployer, les entreprises y sont confrontées dans leur process. Elles se demandent comment s’y acculturer et l'ENSOSP ressort dans leurs recherches de formation dans la mesure où nous disposons d’une plateforme de formation unique. Pour Michelin par exemple, l’élément déclencheur a été un projet avec un partenaire de fabrication d’une pile à combustible au sud de Lyon. De leur côté, Storengy travaillait sur des projets de stockage de H2 en cavité souterraine, et une filiale transport de Vinci s’interrogeait sur la manière de développer une approche hydrogène. Selon vous, la culture du risque hydrogène est-elle plus difficile à diffuser parce que le nombre d’acteurs dans la filière se multiplie? L’ENSOSP démultiplie ses actions vis-à-vis des Services d’incendie et de secours (SIS) qui sont compétents pour la couverture des risques sur leurs territoires mais seuls, nous ne pouvons pas tout faire. L’enjeu est clairement de développer un réseau de référents territoriaux que nous formons afin qu’ils deviennent ensuite des relais d’information auprès des pompiers dans chaque SIS. Nous avons débuté cet essaimage il y a plus d’un an et le pari est très prometteur. À l’échelle nationale, nous sommes adhérents de France Hydrogène, qui réunit tous les acteurs de la filière. Cela permet de construire des ponts entre les différents acteurs en apportant notre regard voire notre exigence en termes de sécurité. Cela nous permet également d’apporter notre expertise et avis sur la possible évolution de la réglementation. Nous sommes également engagés sur des projets européens très en pointe sur le sujet de l’hydrogène. Comment la réglementation doit-elle évoluer, selon vous? Il est clair que le cadre réglementaire doit évoluer pour prendre en compte ce nouveau risque. Mais il faut trouver l’équilibre entre du trop restrictif qui entraverait le développement de l’hydrogène et du trop permissif, conduisant à une carence de contrôle ou de précaution et exposerait à un accident. France Hydrogène travaille là-dessus. L’enjeu est de taille : le plan national représente un peu plus de dix milliards d’euros car la réussite de la filière est liée non seulement à des enjeux environnementaux mais également à des enjeux de souveraineté énergétique. Il faut impérativement informer et former pour diminuer au maximum le risque d’accident.

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