ATOUT RISK MANAGER N°32 I PRINTEMPS 2022 73 Veille et position - Conflit Russie-Ukraine Réaction plus qu’anticipation « Notre cellule de crise est réunie tous les matins. Elle rassemble les fonctions finances, RH, les patrons des unités d’affaires concernées en Europe, la DSI, la communication et le juridique, car la conformité est clé en ce moment. Honnêtement, nous sommesplusdans la réaction que dans l’anticipation » témoignent le directeur financier et le directeur des risques d’un industriel opérant en Russie et en Ukraine. «Protection des personnels avec déplacements si nécessaire en Ukraine, maintien de l’activité que l’on exerce de longue date sont les deux premiers principes. Nous ne sommes pas en guerre contre La population russe. Tout est abordé, à l’aune des sanctions et contre sanctions. Nous devons trouver d’autres routes logistiques pour faire entrer en Russie les matières premières nécessaires à nos usines. Le saviez-vous? Les chauffeurs routiers en Pologne sont ukrainiens. Aujourd’hui ils sont au front. Sans oublier que les formalités douanières, demandent actuellement trois semaines.» Communication à mesurer L’indignation légitime face à la situation dramatique donne aussi lieu à de très fortes pressions à l’encontre des entreprises qui poursuivent leur activité en Russie et Biélorussie. Sujet sensible, également abordé au sein des cellules de crise. Dans le strict cadre de la loi, les enjeux doivent être mesurés avec précision et lucidité, et la communication, interne et externe, adaptée en conséquence. Assurances et flux financiers : du droit, de l’artisanat et de grosses interrogations. « L’assurance transport se négocie convoi par convoi. C’est ingérable » expliqueMichel Josset, Président de la commission Prévention et dommages de l’AMRAE. » « L’assurance-crédit déjà souscrite pour l’instant ne fait pas défaut » complète Franz Zurenger, administrateur de l’Association Française des Trésoriers d’Entreprise (AFTE). « Mais », complète François Delteil, Directeur commercial du spécialiste de l’assurance AU Group, « les demandes de nouvelles garanties sur l’Ukraine et la Russie sont asséchées. Exception notable, l’activité commerciale domestique russe au bénéfice de filiales locales. » Le nœud de la question assurantielle est double : d’une part les courtiers et assureurs inscrits sur la liste des pays « inamicaux » par la Russie ne peuvent plus lever de primes ou souscrire ou se réassurer ailleurs qu’auprès de compagnies localisées dans pays « amicaux ».. Avec en corollaire, les questions de régulation, de solvabilité des assureurs ou réassureurs russes ou des pays baltes opérant en LPS. D’autre part, la partie locale des programmes internationaux d’assurance déjà souscrits questionne. Ils s’appuient classiquement sur les assurances sous-jacentes locales pour des besoins réglementaires rappelle François Beaume pour l’AMRAE. « Fonctionneront-elles en cas de sinistre? Et de poser la même question en cas de réorganisation avec des solutions purement locales : comment, avec qui et quelles sécurités? » Quels enseignements de la gestion de crise de la pandémie? Tout comme lapandémiedeCovid‑19, l’ampleur de la crise a surpris nombre de risk managers. Nous avons mis à profit ce que nous avons appris pendant les heures chaudes de la Covid‑19 soulignent en substance Anne Piot d’Abzac (Ipsen Pharma) et Oliver Wild (Veolia). Les équipes, mieux entraînées ont été plus efficaces. Une affirmation que nuancent le directeur financier et le Risk Manager de l’industriel. « Nous pouvions mieux planifier pendant la Covid‑19. Les épidémiologistes nous fournissaient des scénarios qui servaient de base à des planifications possibles. Dans ce conflit, nous n’avons pas de matériau fiable de scénarisation. En revanche, nous avons progressé en matière de gestion des synthèses. » Pour les entreprises continuant d’opérer en Ukraine et en Russie, voire dans les pays limitrophes, on constate une autre similitude avec la gestion de la crise sanitaire. Il s’agit une fois encore de travailler simultanément sur deux fronts : régler le très court terme, c’est-à-dire opérer tous les ajustements nécessaires à la protection des collaborateurs et à la continuité de l’activité et, en parallèle, imaginer le moyen terme, anticiper les scénarios possibles d’évolution et définir les mesures à mettre en œuvre pour y faire face. Quelles répercussions sur les coûts de l’industrie, sur la consommation, sur la chaîne d’approvisionnement, quelles conséquences sur la compétitivité de l’industrie européenne ? Quel « nouveau normal » pour demain? n La gestion de crise au quotidien pour les entreprises françaises avec des activités en Russie et en Ukraine
RkJQdWJsaXNoZXIy MTU2MTAzNg==